Contexte Historique
Durant la guerre de Cent Ans, la France est en proie à des conflits récurrents entre les rois de France et les rois d'Angleterre, ainsi qu'à des luttes internes pour le pouvoir. C'est dans ce contexte de troubles que Jacques Cœur va se faire remarquer en devenant un acteur majeur de l'économie et de la finance du royaume.
En effet, Jacques Cœur a su profiter des opportunités économiques offertes par la guerre pour développer son activité commerciale. Il s'est notamment spécialisé dans le commerce des draps, de la laine et des fourrures, ce qui lui a permis de réaliser des profits importants. Il a également joué un rôle de premier plan dans le financement des campagnes militaires de Charles VII, le roi de France.
Jacques Cœur a ainsi acquis une fortune considérable, ce qui lui a permis d'investir dans de nombreux projets et de devenir l'un des mécènes les plus importants de son époque. Il a notamment contribué au financement de la construction de la Sainte-Chapelle de Bourges et de la chapelle du château de Mehun-sur-Yèvre.
Sa réussite économique et son influence politique ont fait de Jacques Cœur une personnalité incontournable de la France du XVe siècle. Son parcours exceptionnel en a fait un modèle pour les entrepreneurs et les financiers de son temps, et son héritage perdure encore aujourd'hui.
Grâce à ses connaissances et à son sens des affaires, Jacques Coeur s'impose comme un acteur majeur de l'économie du royaume de France, particulièrement dans le domaine de la production de laine et de l'exportation des produits de luxe. Il devient rapidement l'un des principaux fournisseurs de la couronne, et sa réussite financière lui permet d'acquérir une grande richesse et une grande influence.
En plus de ses talents en affaires, Jacques Coeur était également un grand mécène, qui a financé de nombreux projets artistiques et culturels, notamment la construction de l'église Saint-Ursin de Bourges et la création de la bibliothèque de la Sorbonne à Paris.
Malheureusement, malgré sa réussite et son influence, Jacques Coeur a été victime de complots politiques et de jalousies qui ont finalement conduit à sa chute. Il a été emprisonné et ses biens confisqués par le roi Charles VII en 1451. Cependant, son héritage en tant que grand financier et mécène reste aujourd'hui un témoignage important de l'histoire économique et culturelle de la France au XVe siècle.
Dans un contexte de conflits armés et d'instabilité politique et économique, Jacques Coeur s'impose comme un entrepreneur audacieux et visionnaire. Fournisseur de la cour, Argentier du roi Charles VII, commissaire royal et diplomate, il cumule les responsabilités et les succès.
Son voyage malheureux vers l'Orient en 1432 ne l'empêchera pas de continuer à faire des affaires avec cette région du monde. Il nouera notamment des liens étroits avec les Médicis et le pape Nicolas V lors de sa mission diplomatique en Italie en 1447. Grâce à ses affaires florissantes, il accumulera une grande fortune, lui permettant d'acquérir de nombreux biens à Bourges et à Montpellier.
Biographie
Jacques Coeur est une figure emblématique de l'histoire de la France du XVe siècle.
Vers 1392/98, Pierre Cœur, le père de Jacques Cœur, quitte Saint Pourçain pour s'établir à Bourges en tant que marchand pelletier. Cette ville importante est alors au cœur d'un commerce florissant. Après le décès de Jean Bacquelier, un riche boucher, sa veuve dont le prénom est inconnu, épouse Pierre Cœur. Cette dernière avait déjà un fils, Jean Bacquelier, né vers 1395 et décédé en 1475 en tant que chanoine. Les bouchers formaient une corporation prospère et influente au Moyen Âge. Pierre Cœur et la veuve Bacquelier ont alors deux fils, Jacques Cœur et Nicolas Cœur, né vers 1403.
Le roman de Jean Christophe Rufin, "Le grand Coeur", nous donne une vision de l'enfance de Jacques Cœur, bien que peu de choses soient connues à ce sujet. Nous savons qu'il a reçu une éducation à l'École de la Sainte Chapelle, tandis que son frère Nicolas a poursuivi ses études à Orléans et à Paris, obtenant une licence de droit. À l'âge de 14 ans, Jacques Cœur était déjà déterminé à suivre les traces de son père en devenant marchand.
Thomas Basin, un chroniqueur de l'époque, a décrit Jacques Cœur comme "sine litteris", ce qui ne signifie pas qu'il était illettré, mais plutôt qu'il n'avait pas fréquenté l'université. Sa famille habitait dans le quartier entre l'église Notre-Dame et le palais du duc Jean de Berry, dans un espace relativement étroit. L'église Notre-Dame était l'église de Jacques Cœur et de sa famille, et ils habitaient à seulement 50 mètres de celle-ci, rue de Parerie. On peut imaginer le jeune Jacques assistant aux messes et aux vêpres, car la famille était très chrétienne.
Jacques Cœur a vécu dans une famille aisée, appartenant à la corporation des bouchers grâce au mariage de son père avec la veuve Bacquelier. La famille était très prospère et tenait le haut du pavé. Plus tard, deux des fils de Jacques Cœur entreront dans les ordres, ce qui montre l'importance de la religion dans leur vie. Jacques Coeur se fera aussi de nombreux amis parmi les papes de l'époque, dont Nicolas V et Calixte III.
En 1420, Jacques Cœur se marie avec Macée de Léodepart, une union qui renforce considérablement sa position sociale, car sa belle-famille est fortunée. La maison de la famille de Léodepart, qui avait commercé dans le drap de laine, était située dans le quartier de Bourges où Jacques Cœur avait grandi. Cette famille avait acquis une grande puissance et des titres prestigieux, notamment celui de "valet de chambre du duc de Berry", et elle était bien connectée dans les affaires de la ville.
Mariage & Descendance
En 1420, Jacques Cœur se marie avec Macée de Léodepart, une union qui renforce considérablement sa position sociale, car sa belle-famille est fortunée. La maison de la famille de Léodepart, qui avait commercé dans le drap de laine, était située dans le quartier de Bourges où Jacques Cœur avait grandi. Cette famille avait acquis une grande puissance et des titres prestigieux, notamment celui de "valet de chambre du duc de Berry", et elle était bien connectée dans les affaires de la ville.
Le couple Jacques Coeur et Macée avait cinq enfants connus avec précision :
Jean, né en 1421 ou vers cette année-là, est le plus célèbre des enfants de Jacques Coeur. Il deviendra archevêque de Bourges et malgré son jeune âge, sera un excellent archevêque. Il décède en 1483.
Henri, né vers 1429, deviendra également homme d'église. Il sera chanoine puis doyen du chapitre de l'église de Limoges, chanoine de la Sainte Chapelle de Bourges. Après la mort de l'Argentier, il obtiendra du pape l'autorisation de ramener le corps de son père en France.
Geoffroy ou Geoffrey, sera un échanson du roi. Il fera carrière dans les offices du roi et épousera en 1463 Isabelle Bureau, fille du grand maître de l'artillerie Jean Bureau, seigneur de Monglas. Il décède en 1488. Les ancêtres du grand argentier viennent du côté garçon de cette branche. En 2000, 10 000 descendants de Jacques Coeur ont été recensés, provenant notamment des familles de Vogüé, de Peyronnet, de la Rochefoucauld, de Rohan-Chabot, de la Panousse, de Robien, de Broglie, Guéné, de Dieuleveut, etc.
Ravand (ou Ravant), le seul fils dont on sait peu de choses, aurait travaillé avec son père. Il a été retrouvé en Italie lors du commerce de Jacques Coeur avec "la Bogetta della seta" à Florence. On le retrouve également sur le navire "Notre Dame Saint Jacques" en 1445. Lors des difficultés familiales, il se désolidarisera du reste de la famille et ira se plaindre auprès du procureur Dauvet affirmant que ses frères l'avaient chassé. Dauvet lui octroya 500 livres, mais nul n'en entendit parler. Ravand demeure un mystère.
Perrette, la seule fille de la famille, fit un beau mariage avec Jacquelin Trousseau en 1447. Ce Jacquelin Trousseau, fils d'Artault, était le propriétaire du château de Bois-Sir-Aimé, lieu de résidence de Charles VII et d'Agnès Sorel. Ce château, en très mauvais état, fut réparé par l'Argentier sur son argent propre.
Il est possible que Jacques Coeur ait eu d'autres enfants, car il était courant à l'époque d'avoir plus d'enfants, en raison des épidémies qui faisaient mourir de nombreux enfants en bas âge. Cependant, aucun document ne le confirme, sauf ceux envoyés en avril 2008 par M. Alain Galan, qui montrent qu'une fille de Jacques Coeur, Geoffrette, avait été mariée à un membre de la famille de Jean de Cambray.
Cette Geoffrette épousera Jean de Cambrai, pannetier du roi, qui était le fils du célèbre sculpteur Jean de Cambrai, à qui l'on doit le gisant du duc Jean de Berry. Ils auront des enfants, dont Jean de Cambrai et on frère Etienne de Cambrai, qui sera évêque d'Agde et mort en 1462.
Comme Nicolas Coeur, Etienne sera très actif à la cour de Rome. Ces documents envoyés par M. Alain Galan en 2008 révèlent donc l'existence d'une sixième enfant du couple Jacques Coeur et Macée, qui était jusqu'alors inconnue. Il est possible que d'autres enfants aient existé mais n'ont pas été mentionnés dans les documents historiques. Cela reste un mystère. En tout cas, l'héritage de Jacques Coeur est très présent aujourd'hui, avec de nombreux descendants dans des familles illustres telles que Vogüé, Peyronnet, de la Rochefoucauld, de Rohan-Chabot, la Panousse, Robien, Broglie, Guéné, de Dieuleveut, etc.
Vie active
Vers 1425, Jacques Coeur commença à entrer dans la vie active en prenant la gestion, avec des associés, de l'atelier monétaire de Bourges. Il travailla alors avec Ravand le Danois dans un change situé près de la place Gordaine de Bourges. Comment il obtint cette charge importante dans une ville où séjournaient les grands du royaume reste inconnu, bien que certains supposent qu'il ait pu bénéficier d'un coup de pouce de son beau-père, Lambert de Léodeppart, qui était prévôt, ou encore de son père, un commerçant de premier plan.
Peu de détails sont connus sur cette période jusqu'en 1429, où Jacques Coeur fut arrêté et condamné pour malversations dans la frappe de la monnaie. Il était accusé d'avoir utilisé moins de métal précieux qu'il ne le devait pour la fabrication des pièces. Cependant, grâce à une intervention familiale ou une bonne défense, le roi Charles VII lui accorda des lettres de rémission le 6 décembre 1429. Jacques Coeur put ainsi continuer à s'occuper de la Monnaie de Bourges pendant plusieurs années, comme l'a écrit Georges Minois.
Il semblerait que les associés de Jacques Coeur aient également bénéficié de faveurs similaires, puisque Ravant le Danois devint général maître des monnaies de 1435 à 1461. Le lien entre cet associé et Jacques Coeur jouera d'ailleurs un rôle important dans la suite de sa carrière.
Après l'épisode malheureux de 1429 et la gestion désastreuse de la Monnaie de Bourges, Jacques Coeur aurait pu connaître les galères. Cependant, il semblerait qu'il ait bénéficié de l'aide de son beau-père ou d'une bonne défense, car le roi Charles VII lui accorde des lettres de rémission en décembre 1429. À partir de cette date, on commence à avoir des documents sur le futur Argentier de Charles VII.
Malgré cela, de 1429 à 1432, Jacques Coeur se fait discret. C'est en 1430 qu'il se lance dans la création d'une compagnie commerciale avec les frères Godard, Pierre et Barthélemy, dans le but de fournir au roi et à la cour une variété de produits. En échange de ces produits, le roi payait en privilèges tels que des exonérations ou des patentes, car il ne disposait pas de beaucoup d'argent.
C'est à cette époque que l'on trouve des preuves indirectes d'un grand voyage de Jacques Coeur au Levant, un périple qui aurait pu très mal tourner. Cependant, ce premier voyage reste un mystère pour les historiens. La vraie aventure commerciale et industrielle de Jacques Coeur ne fait que commencer.
Voyages vers le levant
Jacques Coeur avait des ambitions bien au-delà de ses concurrents français de l'époque. Il rêvait de rivaliser avec les grandes familles de marchands de Florence, de Gênes ou de Venise. Son premier voyage connu dans les pays du Levant se déroule en 1432, mais reste encore aujourd'hui un mystère. On ne sait pas ce qu'il a ramené, mais il en est revenu avec une stratégie d'approche du commerce qui allait le propulser à une échelle beaucoup plus grande que ses contemporains.
Cependant, le retour du voyage sera délicat. Il fera naufrage au large de Calvi, sera fait prisonnier, et rendu contre une rançon assez faible, ce qui suggère qu'à cette époque, il n'était pas considéré comme un personnage important.
Malgré l'épisode de la "fausse monnaie", Jacques Coeur ne perd pas ses fonctions et garde la maîtrise de son atelier de change jusqu'en 1436, avant de travailler brièvement à la Monnaie de Paris. C'est à ce moment-là que la mer et les navires font leur apparition dans la vie du futur argentier. On le retrouve à Damas en 1432, un mystère encore non résolu quant à la raison pour laquelle ce commerçant berrichon se trouvait si loin de ses bases terriennes.
Plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquer le premier voyage de Jacques Cœur dans les pays du Levant en 1432.
La première hypothèse est que Jacques Cœur était parti pour mettre en place une flotte de navires dans le but de développer son commerce, qui était jusqu'alors terrestre. Il cherchait à rivaliser avec les cités italiennes comme Gênes ou Venise qui dominaient le grand commerce international. Selon cette hypothèse, il était parti pour étudier les possibilités de ce commerce et pour nouer des contacts. Cependant, cette hypothèse est mise en doute, car ses premiers navires pour ce type de commerce, les galées de monseigneur l'Argentier, ne seront en place que 12 ans plus tard, en 1444.
La deuxième hypothèse est que Jacques Cœur était parti pour un voyage très personnel, peut-être un pèlerinage aux lieux saints. Cela aurait pu être une forme de repentance pour ses turpitudes financières et une manière de retrouver le vrai chemin.
La troisième hypothèse, la plus probable, est que Jacques Cœur était parti en mission diplomatique pour le compte du duc de Bourgogne. À cette époque, il se cherchait et cherchait peut-être de nouveaux appuis, après avoir été sauvé par Charles VII. Certains travaillaient sur une future croisade du côté de Bourgogne, et Jacques Cœur aurait pu être en mission pour cette cause.
Dans tous les cas, lorsque Jacques Cœur créera ses galées de commerce, il utilisera ses souvenirs de ce voyage, mais il n'en tirera pas grand-chose de plus.
Le voyage de Jacques Cœur au Moyen-Orient en 1432 est connu grâce au naufrage de son navire devant Calvi ainsi qu'au témoignage de Bertrandon de la Broquière, écuyer du duc de Bourgogne Philippe le Bon. Ce dernier avait été envoyé dans la région alors que des bruits de croisade s'y faisaient entendre.
Jacques Cœur a quitté Bourges et s'est embarqué à Narbonne en compagnie de marchands languedociens. Il a pris place à bord de la "Sainte Marie et Saint Paul", appartenant à Jean Vidal, un bourgeois de la ville de Narbonne. Cette galée était souvent louée par des marchands de Narbonne, mais cette fois, en mai 1432, Jacques Cœur était accompagné de négociants de Montpellier : Secondino Bossavini, Louis et Paul Dandréas, Philibert de Nèves, ainsi qu'un commerçant d'Agde.
On ne sait pas précisément à quel type de navire appartenait cette "galée" de Narbonne, s'il s'agissait d'une nef, d'une galère ou d'une galéasse.
Généralement, le voyage de Narbonne à Alexandrie prenait environ 25 jours, en évitant les risques de piraterie en naviguant au plus près des côtes. Toutefois, les historiens ne sont pas tous d'accord sur le trajet précis du navire. Selon Jacques Heers, le navire aurait fait escale à Beyrouth, où Jacques Cœur aurait débarqué pour se rendre à Damas, pendant que le navire continuait sa route vers Alexandrie.
Jacques Coeur a participé à un voyage au Moyen-Orient en 1432 avec des marchands languedociens sur la "Sainte Marie et Saint Paul", un navire de Narbonne. Selon certains historiens, le navire est allé à Beyrouth et a débarqué Jacques Coeur, qui s'est rendu à Damas pendant que le navire allait à Alexandrie.
Plus tard, lors de son retour à Beyrouth, Jacques Coeur a rencontré Bertrandon de la Broquière et a parlé de sa mission diplomatique ou de pèlerinage avec quatre nobles bourguignons. Certains historiens pensent qu'ils enquêtaient sur les musulmans en Orient pour évaluer les chances de réussite d'une nouvelle croisade, un sujet qui intéressait beaucoup Philippe Le Bon.
Jacques Cœur a également fait un voyage en Méditerranée en 1432 avec Jean Vidal comme capitaine de son navire. Le navire a fait naufrage au large de Calvi en Corse et tous les passagers ont été arrêtés par le capitaine de la forteresse de Calvi, Raynuxto de Marcha. Jacques Cœur a été libéré contre quelques ducats et tous les passagers ont été dédommagés par un système d'assurance. Selon Jacques Heers, ce voyage n'était pas un voyage d'affaires au sens commercial, mais plutôt un voyage d'exploration.
Entre les années 1432 et 1435, Jacques Cœur était en phase de formation et d'exploration pour établir les bases de son grand commerce. C'était également à cette époque que la paix d'Arras entre la France et la Bourgogne a été signée. Durant cette période, plusieurs éléments caractéristiques de Jacques Cœur se sont dévoilés. Tout d'abord, il a su exploiter les positions acquises par ses partenaires, comme la monnaie de Bourges et le voyage avec les marchands languedociens. De plus, il avait le souci d'accéder directement aux lieux d'approvisionnement en marchandises coûteuses. Enfin, il a continuellement cumulé des fonctions publiques ou para-publiques avec celles du négoce.
Nous ne savons pas si le voyage en Méditerranée en 1432 était la première fois que Jacques Cœur y allait, car il n'y a pas de trace d'autres voyages. Il a confié la gestion de ses navires à des capitaines et à des facteurs.
Une autre question reste en suspens : comment Jacques Cœur a-t-il réussi à se rapprocher du roi Charles VII et à être nommé Maître de l'Hôtel des Monnaies après son retour de méditerranée en 1432 ?
Vers les sommets
En 1436, après la reconquête de Paris par Charles VII, Jacques Coeur est nommé maître de l'Hôtel des Monnaies de la ville. Sa mission est de réorganiser la circulation monétaire et de remplacer la monnaie anglaise par une nouvelle monnaie "de bon aloi". Cette fonction ne lui permet pas de s'enrichir, mais elle le rapproche du roi et des personnalités influentes du royaume.
Jacques Coeur s'emploie à stabiliser la monnaie, alors que la dévaluation était devenue courante et qu'il était nécessaire de mettre un terme à cette tendance. Il retire d'abord les pièces qui contiennent très peu d'or et les remplace par un nouvel écu en or d'une valeur de 30 sols, à raison de 210 pièces par marc. Ces mesures furent importantes prises par Jacques Coeur pour redresser la situation monétaire du royaume.
On découvre en Jacques Coeur un organisateur hors pair. Pour mieux les contrôler, il diminue le nombre d'ateliers et décrète une réglementation très stricte pour les changeurs, ainsi qu'une tenue rigoureuse des comptes avec une ordonnance, plus tard en 1443, qui établit un véritable état des finances de l'Etat.
Grâce à son entrée dans l'intimité de Charles VII, Jacques Coeur gagne en influence. En tant que négociant et financier, il se voit confier des fonctions de "percepteur" pour les aides du Berry, ainsi qu'en Languedoc. Dès lors, il prête de l'argent au Roi et l'accompagne lors de ses incessantes tournées dans son royaume, notamment dans le Midi, aux côtés de Pierre de Brézé et des frères Bureau.
Jacques Coeur devient de plus en plus efficace et son titre reflète son importance: il est nommé Argentier ou Grand Argentier du Roi, un titre qui ne le quittera jamais et qui est encore aujourd'hui associé à son nom.
Grand Argentier
En 1438, Jacques Coeur, âgé de 40 ans, est nommé à la tête de l'Argenterie de l'Hôtel du Roi, qui est en quelque sorte un grand magasin où la cour se procure des vêtements, des tissus, des bijoux, des armes, des chevaux et bien d'autres choses encore. Cette fonction lui permet de recevoir une rétribution annuelle de 1200 livres, mais surtout de s'approvisionner en marchandises pour son propre compte, ce qui est l'une des clés de sa future fortune.
En tant qu'Argentier, Jacques Coeur devient le fournisseur de la cour royale et de ses nobles, qui fréquentent son grand hypermarché. Il achète les produits qu'il négocie à des prix avantageux dans des pays où peu de négociants français vont, et les revend à l'Argenterie avant de les vendre à la cour. Cette fonction lui offre donc une grande opportunité d'affaires.
Jacques Coeur cède sa fonction de maître de l'Hôtel des Monnaies de Paris à Regnault de Thumezy en 1438, pour se consacrer à ses opérations commerciales à plus grande échelle. Il réussit néanmoins à négocier que Regnault verse la moitié des bénéfices de l'Hôtel des Monnaies au nouvel Argentier.
Les activités de Jacques Coeur se diversifient entre 1440 et 1445
Sa maison se situe à l'angle de la rue des armuriers et de la rue de Linière, où il habite avec sa femme et ses enfants. Ils restent dans ce lieu pendant plusieurs années, jusqu'à la construction de la Grant' maison en 1443. Cette dernière se situe sur l'ancienne abbaye Saint Hyppolite et était auparavant occupée par un armurier nommé Jean de Galles. Les greniers et maisons attenantes servaient de celliers de forges et d'entrepôts pour fabriquer des armes. La rue des Armuriers est connue pour être un lieu de fabrication d'armements, une spécialité de Bourges depuis le XVème siècle.
Jacques Coeur fait appel à des armuriers de Milan, les frères Balsarin et Gasparin de Trèves, pour fabriquer des armes blanches, des harnais et surtout des brigandines. Ces dernières étaient des gilets en velours avec des lames d'acier pour protéger le corps et étaient très appréciées des écossais de Charles VII.
Jacques Coeur utilise également ses relations à Gènes pour passer des commandes importantes d'armes, notamment pour préparer la campagne de Normandie. Le Doge s'inquiète car la commande porte sur 3000 armures et aucune autre ville en Europe n'est capable de fournir une telle quantité en si peu de temps.
Jacques Cœur est anobli
En avril 1441, Charles VII anoblit Jacques Coeur et sa famille pour les "services rendus" en tant qu'argentier et autrement. C'est une grande réussite pour Coeur, qui est originaire de la bourgeoisie et entre maintenant dans la noblesse. Il est très fier de cette reconnaissance et commence à élaborer ses armes héraldiques avec trois coeurs et trois coquilles Saint-Jacques.
Sa devise est "A cuer vaillans, riens impossible", qui correspond à son tempérament. Il s'habille maintenant selon la mode de l'aristocratie de l'époque, avec des couleurs vives, des chaussures à poulaine, un pourpoint plissé et rembourré, un large collier d'or, un bonnet de velours noir et une coupe de cheveux en couronne.
En tant que commissaire royal auprès des états du Languedoc à Toulouse, Coeur est l'intermédiaire direct entre le roi et les villes et autres communautés. Il reçoit beaucoup d'argent pour les sujets les plus divers, comme les 5000 livres des capitouls de Toulouse qui demandent au roi, par l'intermédiaire de Jacques Coeur, plusieurs franchises. Il devient le percepteur des impôts pour de nombreuses sénéchaussées, fixant ainsi le montant de l'impôt.
En 1442, Coeur reçoit la même fonction pour l'Auvergne et devient un intime du roi. Il traite comme médiateur un conflit entre le sultan d'Egypte et la ville de Venise, marquant un pas vers la diplomatie. Il devient également membre de la commission royale de la draperie, mettant en place une réglementation très stricte sur la qualité des fournitures. Il possède une manufacture de draps dans sa ville natale de Bourges, ce qui explique peut-être son intérêt pour la qualité.
En 1444, une trêve est signée avec les Anglais qui se sentent en mauvaise posture. La même année, Agnès Sorel entre au service de la reine Marie et devient rapidement la favorite de Charles VII. La reconquête est spectaculaire à partir de 1445, avec la prise de Metz le 28 février et celle de Rouen le 10 novembre. Jacques Coeur, qui a été anobli, entre dans Rouen à cheval aux côtés du roi Charles.
Agnès Sorel
Agnès Sorel est née à Fromenteau, en Touraine, vers 1422 (entre 1422 et 1426). Son père, Jean Sorel, était de petite noblesse. Sa mère s'appelait Catherine de Maignelais. Elle reçut une éducation très soignée.
Le roi Charles VII rencontre Agnès Sorel en 1443 alors qu'elle est dame d'honneur d'Isabelle de Lorraine, épouse de René d'Anjou. Elle a conquis les faveurs du roi, qui n'était pas ce que l'on pourrait appeler un Don Juan, car il avait alors 40 ans.
Le tableau de Fouquet, intitulé "Le très victorieux roi de France" et datant de 1453, présente des traits peu flatteurs du roi, avec un regard dissimulateur et une carrure peu avantageuse qu'il a fallu rembourrer sur les épaules. Charles VII est en effet chétif, mélancolique et assez renfermé sur lui-même. Mais l'arrivée d'Agnès Sorel va le transformer.
Agnès Sorel va détendre le roi, lui donner trois filles, probablement en 1443, 1444 et 1445 (et un autre enfant mort-né), et devenir la maîtresse officielle et attitrée de la cour, pour la première fois dans l'histoire de France. À partir de cette date, elle représentera une certaine puissance, tout comme Jacques Cœur, d'origine modeste, qui liera une amitié avec elle.
Agnès Sorel protège Jacques Cœur, et cela lui permettra de monter dans l'honorabilité et favorisera son commerce. Jacques Cœur sera un de ses trois exécuteurs testamentaires avec Étienne Chevalier et le médecin d'Agnès, ce qui donne une idée des liens qui les unissaient.
Alors qu'elle est enceinte pour la quatrième fois, Agnès Sorel veut rejoindre le roi et voyage en février sur les routes défoncées du pays. Elle tombe malade et meurt en couche à Jumièges en Normandie en 1450, le 11 février.
Son cœur et ses viscères restent à Jumièges, tandis que son corps est transporté à Loches. Jacques Cœur perd sa protectrice et Charles VII son inspiratrice.
Le réseau d'Agnès Sorel
Le réseau d'Agnès Sorel est un groupe de hauts personnages qui l'ont entourée et protégée, formant ainsi une sorte de cercle rapproché qui servait de rempart entre la dame et le roi face à toutes les conspirations.
Agnès a su détecter les talents et les compétences de nombreuses personnes qu'elle a aidées à progresser dans leur carrière, afin qu'elles puissent apporter leur contribution à son amant souverain.
Elle a progressivement mis en place ses alliés dès son arrivée près du roi, mais surtout après le départ du dauphin Louis, à partir de 1447. On parlait alors de "clan" d'Agnès Sorel. Parmi ses amis, on compte notamment Brézé, sénéchal et comte d'Evreux, réputé pour sa belle éloquence selon Chastellain. Mais il y a aussi :
Jean de Maupas
Etienne Chevalier
Guillaume Cousinot
Beauveau de Précigny
Guillaume d'Estouteville
Jamet du Tillet
Jean Dauvet
Jacques Cœur.
Ces personnages influents venaient de différents milieux sociaux, nobles, religieux et bourgeois comme Jacques Cœur.
1445, Jacques Coeur entre en politique
Au cours de cette année-là, Jacques Cœur, tout en poursuivant sa conquête dans le monde financier et commercial, touche de manière significative à la politique du royaume au plus haut niveau. Il a probablement été aidé dans ce nouveau défi par la belle Agnès Sorel, favorite du roi Charles VII, entrant ainsi dans ce que certains appelleront "le clan Agnès" et ils vont s'aider mutuellement.
Jacques Cœur devient une sorte de diplomate ou de médiateur dans les conflits qui opposent les grands de ce monde. Il est aux négociations entre les États de Comminges et le comte de Foix, mais également dans un conflit plus délicat qui éclate entre le sultan d'Égypte et le Grand Maître des Chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, qui craignait une offensive du sultan sur Rhodes. Jacques Cœur obtiendra un traité entre les belligérants, en utilisant ses navires pour transporter les plénipotentiaires de Rhodes à Alexandrie.
Cette même année, il participe à une difficile négociation entre Gênes et Venise, avec des tractations visant à favoriser le rattachement de Gênes au royaume de France.
Les jalousies apparaissent
Selon Georges Minois, l'ascension fulgurante de Jacques Coeur, qui est parti de rien, a suscité de nombreuses jalousies.
Cela a rapidement dégénéré en soupçons, rivalités et haine. Pour beaucoup, un homme aussi riche et puissant ne pouvait avoir atteint une telle position que par des moyens malhonnêtes, et il est vrai que les méthodes de Jacques Coeur n'ont pas toujours été exemplaires.
Les rumeurs et les ressentiments ont rapidement suivi, et des hommes comme Otto Castellani ont tout mis en œuvre pour faire tomber l'argentier. Dès le milieu des années 1440, l'archevêque de Reims Jean Jouvenel des Ursins s'est violemment attaqué aux financiers et négociants malhonnêtes qui passaient des marchés scandaleux au détriment des finances royales, faisant ainsi des profits honteux sur la revente de marchandises et accumulant des fortunes colossales. Son Discours sur la charge de chancelier visait clairement Jacques Coeur.
Les accusations étaient généralisées, mais les attaques les plus virulentes venaient du Languedoc, en particulier après l'épisode Aboleris
Aboleris, le jeune esclave d'Alexandrie
Le jeune esclave d'Alexandrie nommé Aboleris avait fui vers la France pour échapper à son sort. Âgé de 14 ou 15 ans, Aboleris était un esclave chrétien originaire de la terre du Prêtre Jean, un pays correspondant aujourd'hui à l'Ethiopie. En 1446, il s'était réfugié sur la caraque "Notre Dame Saint Denis" dans le port où elle faisait escale. Le capitaine, Michel Teinturier, avait entendu les prières du garçon implorant de devenir un bon chrétien et l'avait ramené en France avec lui. Aboleris avait été placé chez l'archevêque de Toulouse, comme valet d'écurie.
Cependant, Jacques Cœur, avait appris cette histoire et était furieux. Il avait convoqué Michel Teinturier pour lui reprocher d'avoir ramené Aboleris en France et de l'avoir volé à son maître d'Alexandrie. Jacques Cœur avait ordonné le retour d'Aboleris en Egypte, menaçant de ruiner la famille Teinturier si l'esclave n'était pas renvoyé. Michel Teinturier avait alors enfermé Aboleris dans une prison pendant un mois avant de le faire conduire à Aigues Mortes et de le placer sur la galère de Guillaume Gimard, un des facteurs les plus fidèles de Jacques Cœur. Le navire avait mis le cap vers Alexandrie et, une fois arrivé, le jeune garçon avait renié la foi chrétienne et s'était conformé à la loi des Sarrazins.
Cette affaire avait choqué de nombreux chrétiens, qui trouvaient inacceptable de ramener un esclave converti. Ils ont accusé Jacques Cœur de livrer un chrétien aux Infidèles, ce qui a terni sa réputation. Cependant, d'autres ont soutenu que Jacques Cœur et ses fidèles représentants n'avaient pas d'autre choix car ils devaient respecter les engagements pris avec le sultan d'Egypte pour maintenir le commerce en Méditerranée.
Jacques Cœur a été accusé quelques années plus tard d'avoir livré un chrétien aux Infidèles, selon la déposition de Michel Teinturier lors de son procès. La haute hiérarchie chrétienne n'avait rien dit sur ce retour, mais il était impossible de ramener un esclave en France sans risquer des représailles. Le grand maître de Rhodes et des négociants du Languedoc ont donc insisté pour qu'Aboleris soit renvoyé en Egypte. Si des Sarrazins avaient enlevé un esclave chrétien en France, cela aurait été dramatique pour les relations commerciales. En fin de compte, Jacques Cœur avait fait face à une situation complexe et controversée où il n'avait pas de solution facile.
Cependant, le transfert des affaires de Jacques Coeur de Montpellier et Lattes à Marseille a peut-être été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
Ces jalousies ont été contenues tant qu'Agnès Sorel était présente, mais l'argentier a commencé à éprouver des difficultés après la mort de la Dame de Beauté.
Jacques Coeur " place " sa famille
Jacques Coeur a placé sa famille dans des positions avantageuses grâce à ses relations étroites avec l'Église et les papes de l'époque. En 1446, il a obtenu de Eugène IV, alors pape, l'archevêché de Bourges pour son fils Jean, une fonction prestigieuse à cette époque. Cependant, le jeune homme n'avait que 22 ans et le pape lui a accordé une dispense. Dans la bulle papale qui a suivi, les mérites du père ont été mis en avant, faisant référence aux grandes vertus et à l'aide de ses amis pour restaurer une église en difficulté en raison des guerres et divisions de la région.
Il est également intéressant de noter que son frère Henri a été bien doté avec les fonctions de doyen de Limoges et de chanoine de la Sainte Chapelle de Bourges.
L'année suivante, Jacques Coeur a encore utilisé une autre forme de "placement" en mariant sa fille Perrette au vicomte de Bourges, Artaud Trousseau, membre de la grande famille berrichonne des Trousseau. En effet, Perrette a acquis le domaine de Bois-sir-Amé, à proximité de Bourges, où l'on a pu observer les amours entre Charles VII et Agnès Sorel.
Avant la chute
Jacques Coeur a vécu des années fastes durant lesquelles il a étalé sa richesse et sa gloire dans tout le royaume. Il était proche du roi et appartenait au cercle d'Agnès Sorel.
Ses affaires étaient florissantes et il s'intéressait de plus en plus à la politique et aux ambassades, où il excellait, même si peu de gens le savent. Lorsque nécessaire, il utilisait son argent comme un moyen de persuasion supplémentaire.
Il s'est entouré d'hommes de confiance tels que Guillaume de Varye, qui dirigeait l'Argenterie à Tours, et Jean de Village et Antoine Noir, qui s'occupaient des routes, des comptoirs et de la flotte pour le Levant.
Sa richesse s'est progressivement étalée au grand jour, notamment en 1446 lorsqu'il a obtenu une dispense personnelle lui permettant de faire du commerce avec les infidèles. Il avait déjà une dispense pour ce type de commerce avec le port de Montpellier, mais désormais, il pouvait commercer avec les navires qu'il voulait, quel que soit leur port d'attache.
Jacques Coeur était très riche, au point que l'on disait "riche comme Jacques Coeur" au XVème siècle. Il faisait du commerce à grande échelle, possédait des routes, des comptoirs et des navires.
Il achetait également de nombreuses propriétés foncières, dont des seigneuries, des manoirs, des maisons, des châteaux et des hôtels depuis une dizaine d'années. Plus tard, le procureur Dauvet dressera une liste de ces biens, tandis que Robert Guillot en dressera une autre qui est impressionnante.
On parle parfois d'une soixantaine de titres de propriétés à son nom, et il y en a peut-être encore aujourd'hui que l'on n'a pas découverts. Quant à savoir s'il avait un "trésor" en pièces d'or, nul ne le sait, mais cela fait rêver !
Jacques Coeur négociateur lors du schisme Eugène IV / Félix V
Jacques Coeur s'implique de plus en plus dans les affaires politiques, ce qui lui permet d'obtenir un accord entre le roi Charles VII et le sultan d'Égypte grâce à l'envoi de cadeaux somptueux, notamment des armes et des armures fabriquées dans ses ateliers. Cette alliance lui assure également la protection du sultan dans son commerce en Méditerranée. Ainsi, Jacques Coeur devient indispensable à Charles VII et se retrouve en première ligne dans le schisme qui oppose deux papes, à la suite du concile de Bâle et de l'élection de l'antipape Félix V. Avec Jean Jouvenel des Ursins, archevêque de Reims, et quelques autres, il tente de faire écarter cet antipape en faveur d'Eugène IV, mais après la mort de ce dernier, Félix V refuse de laisser sa place.
le " Gros " de Jacques Coeur
En 1447, Jacques Coeur marque un tournant dans ses activités, notamment en étant l'instigateur présumé de l'ordonnance du 27 juillet 1447, qui décide pour la première fois depuis 1370 la frappe de pièces d'argent de bon aloi. Cette frappe crée le "Gros de Jacques Coeur", une pièce en argent de très bon aloi à 92% d'argent fin, qui vaut deux sous ou 6 deniers tournois.
Cette pièce symbolise le retour à une monnaie saine et permet à Jacques Coeur de bénéficier d'un grand prestige. Les marchands et les gens du peuple de Bourges et de Paris sont conquis par cette monnaie, qui est très appréciée pendant longtemps. Bien que certains historiens ne soient pas d'accord sur le rôle de Jacques Coeur dans le rétablissement de la confiance dans la monnaie, son action, ainsi que les trêves et la fin de la guerre de Cent Ans, ont contribué à rétablir un climat propice aux affaires.
Malgré cela, l'histoire montre que sa rectitude, son expertise et son désintéressement étaient loin d'être conformes à la réalité, même si ces qualités étaient largement louées à l'époque.
Ambassadeur à Rome
En 1448, Jacques Coeur et son ambassade font une entrée triomphale à Rome, dans un luxe inouï. Ils sont 300 cavaliers richement équipés, avec des tenues et des armures sorties de l'Argenterie, le tout financé par Jacques Coeur. La population et les hommes de la papauté sont subjugués.
Les négociations sont difficiles, mais Jacques Coeur réussit à emporter la décision et Félix V se retire, laissant un seul pape, Nicolas V, qui sera pour toujours reconnaissant à Jacques Coeur. Profitant de son influence, Jacques Coeur demande au pape une intervention dans un conflit local entre des communautés du Lyonnais et les sociétés des mines qu'il possède. Il obtient gain de cause sur des problèmes de droits et de servitude.
En 1450, Jacques Coeur devient progressivement l'un des personnages clés du royaume de Charles VII. À la fin de la décennie, le roi a une garde très rapprochée comprenant Agnès Sorel, Pierre de Brézé et Jacques Coeur. Ce dernier est décrit par Thomas Bazin comme un homme industrieux et avisé, d'origine plébéienne mais de grande intelligence et d'une prodigieuse habileté dans les affaires. Il est argentier du roi et ses opérations commerciales l'ont considérablement enrichi, notamment en équipant et armant des galères qui parcouraient les rivages d'Afrique et d'Orient jusqu'à Alexandrie d'Egypte et en ramenant en France des étoffes de soie et toutes sortes d'aromates, répandues non seulement en France mais aussi en Catalogne et dans toutes les contrées voisines.
Mort d'Agnès Sorel
Trois équipes ont travaillé sur les examens toxicologiques pour découvrir la cause de la mort d'Agnès Sorel le 9 février 1450. Les analyses ont porté sur le contenu des poils, des cheveux, et de la putréfaction, ce qui a permis de déterminer qu'elle a été foudroyée en quelques jours par une dose astronomique de mercure. À l'époque, le mercure était utilisé comme médicament pour de nombreuses maladies, pour les accouchements difficiles, mais aussi comme poison. Les enquêtes ont révélé qu'Agnès Sorel avait une bonne hygiène de vie et une alimentation équilibrée, mais elle était atteinte d'une maladie parasitaire appelée ascaridiose, courante à l'époque.
Bien que le mercure ait été utilisé pour les traitements contre les vermifuges, les doses étaient bien connues et une erreur de dosage ne semble guère possible. L'hypothèse d'une erreur médicale a été écartée car son médecin, Robert Poitevin, était l'un des plus grands médecins de l'époque. Ainsi, le taux élevé de mercure trouvé dans les phanères correspond davantage à un meurtre au mercure. Cette substance était souvent considérée comme "le poison du pauvre" au Moyen Âge.
Plusieurs personnes pourraient être impliquées dans la mort d'Agnès Sorel, notamment Jacques Coeur, Etienne Chevalier, des membres obscurs de l'entourage du roi, ainsi que le dauphin Louis, avec Louis XI comme possible commanditaire. Les recherches pour trouver le coupable se poursuivent, mais parmi les personnes ayant été en contact étroit avec Agnès Sorel figure le médecin de Charles VII, Robert Poitevin, qui fut également l'un des trois exécuteurs testamentaires d'Agnès Sorel.
31 juillet 1451 , la chute de Jacques Coeur
Jacques Coeur a été arrêté le 31 juillet 1451 au château de Taillebourg (Charente Maritime, près de Saint Jean d'Angély) et ses biens ont été mis sous séquestre à la suite d'une sorte de conspiration. Il a été accusé de crime de lèse-majesté, bien qu'il n'ait pas été coupable d'avoir empoisonné Agnès Sorel, ni d'avoir spolié le roi Charles.
De 1451 à 1453, il a subi un procès "itinérant" au gré des déplacements de la cour. Soumis à la torture, il a tout avoué ou presque, et a été condamné.
Le 29 mai 1453, jour de la chute de Constantinople, la sentence est tombée : Jacques Coeur a été banni à perpétuité pour crime de lèse-majesté envers le roi Charles VII. Il ne doit la vie sauve qu'à l'intervention du pape Nicolas V. Il a été frappé d'une extraordinaire amende de 550 000 livres tournois et a dû rester emprisonné au château de Poitiers jusqu'au règlement de cette somme grâce à la vente de ses biens au profit du trésor royal.
Ne pouvant envisager son élargissement avant longtemps, il a décidé de forcer le destin en s'évadant vers la fin du mois d'octobre 1454. Il a erré vers Beaucaire, puis a été enlevé avec Jean de Village pour la Provence, Pise, Rome.
En 1456, il a armé des navires pour le compte du pape Nicolas V afin de faire une croisade au Levant (départ de la flotte pontificale le 11 juin).
Le 25 novembre 1456, Jacques Coeur est mort dans l'île de Chio, au large de la Turquie. Quelques années après sa mort, ses enfants ont fait réaliser un tombeau qui a été décoré par la statue d'un gisant de son épouse Macée, morte en 1453. L'ensemble a été pillé pendant la Révolution, et ses restes ont été dispersés.
À partir de ce moment, les documents historiques sont très nombreux. On y trouve en particulier les minutes du procès, mais aussi la liste de tous les biens de Jacques Coeur dressée par le procureur Dauvet, ce qui sera une mine de renseignements pour les historiens. Pendant 4 ans, Jean Dauvet a enquêté sur les biens de Jacques Coeur, les a évalués, les a fait expertiser, un travail considérable.
Cependant, les raisons exactes de l'arrestation et du procès font toujours l'objet de recherches. Le premier élément officiel concerne un certain nombre de chefs d'accusation, dont certains, au tout début, ne seront pas crédibles, il faudra donc en trouver d'autres. On trouve des accusations très diverses et variées comme l'accusation d'avoir empoisonné Agnès Sorel ou encore la diffusion de la fausse monnaie à ses débuts avec Ravant le Danois, puis le trafic d'armes avec les Sarrazins...
Dans l'affaire de la disgrâce de Jacques Cœur, on peut formuler des hypothèses assez plausibles. Tout d'abord, le contexte était de plus en plus défavorable pour lui : Jacques Cœur n'était pas de noblesse, mais un parvenu qui agaçait les grands de ce monde. Il était arrogant et ses devises ne l'aidaient pas. En outre, certains puissants de la cour avaient emprunté de l'argent à Jacques Cœur, ce qui ajoutait à leur haine envers lui.
Il ne faut pas non plus sous-estimer la jalousie des corporations. Les marchands languedociens étaient les plus ardents à vouloir la chute de Jacques Cœur, et ils étaient 17 à le juger.
Mais pour trouver une solution, il faut aussi comprendre la vie et la psychologie de Charles VII. Le roi appréciait Jacques Cœur et lui rendait de grands services, comme en lui prêtant de l'argent pour lever des armées, en l'envoyant en mission diplomatique, notamment auprès du pape. Jacques Cœur était également un collecteur d'impôts hors pair. Sur le plan financier et monétaire, il avait de bons résultats, comme en témoignait l'assainissement des finances du pays. Il n'y avait donc aucune raison grave dans le comportement de Jacques Cœur envers le roi qui pourrait lui porter préjudice.
Conclusion
Jacques Coeur a eu une influence considérable sur l'économie française de l'époque. Il a notamment créé des entreprises et des industries, et a investi dans le commerce de la soie, des épices et des fourrures, ainsi que dans l'exploitation des mines d'argent du Forez. Il a également eu un impact significatif sur les arts et la culture en finançant la construction de nombreux édifices, tels que des églises et des châteaux.
Cependant, son succès et sa richesse ont fini par attirer l'attention de ses ennemis, et Jacques Coeur a été accusé de plusieurs crimes, tels que le trafic d'armes et l'empoisonnement de la maîtresse du roi, Agnès Sorel. Bien qu'il n'ait pas été reconnu coupable de ces crimes, il a été jugé pour crime de lèse-majesté et a finalement été banni à perpétuité et frappé d'une amende exorbitante.
Malgré sa chute spectaculaire, Jacques Coeur a laissé une marque indélébile dans l'histoire économique de la France. Il a été reconnu comme l'un des plus grands financiers de son temps et a été loué pour son ingéniosité, son esprit d'entreprise et son ambition. Sa vie et sa carrière sont un témoignage de l'importance de l'argent et de la finance dans l'histoire du monde, ainsi que des dangers qui guettent ceux qui sont trop audacieux ou trop ambitieux.
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