Les costumes et habits de cour : élégance et codes sociaux au Moyen Âge
- Ivy Cousin
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Sous les voûtes d’une cathédrale ou dans les salons feutrés des palais princiers, un éclat attire l’œil avant même la parole : celui des étoffes précieuses, des brocarts dorés, des fourrures chatoyantes. À la cour médiévale, le vêtement n’habille pas seulement les corps — il construit les rôles, affirme les rangs et raconte, en silence, l’ordre du monde. Du rouge écarlate réservé aux puissants au bleu marial sanctifié par les rois, chaque nuance, chaque matière, chaque coupe devient langage. Plonger dans l’univers des costumes et habits de cour au Moyen Âge, c’est parcourir un théâtre textile où se jouent le pouvoir, l’apparat, la diplomatie et la mémoire. Ce n’est pas une étude de mode : c’est une lecture des hiérarchies, des aspirations, des alliances, et parfois, des transgressions. Laissez-vous guider au cœur de ce langage silencieux — somptueux mais codifié — qui, du sacre au mariage, du faste quotidien à la loi somptuaire, révèle les coulisses tissées du pouvoir.
Résumé
Dans les sociétés médiévales, le vêtement ne relève jamais du simple ornement. À la cour, il est un marqueur fondamental de hiérarchie, de statut et de pouvoir. Dès l’introduction, ton article met en lumière la dimension politique et symbolique de l’apparence : l’habit fait le rang, et le faste vestimentaire devient un langage du prestige aristocratique. Des étoffes précieuses aux couleurs codifiées, chaque détail participe à une mise en scène du pouvoir.
Le contexte historique retrace l’évolution du costume de cour, depuis les tenues simples d’inspiration antique jusqu’à l’explosion du luxe textile entre le XIIIᵉ et le XVe siècle. L’ouverture des échanges avec l’Orient, les Croisades, et le développement des corporations urbaines transforment les garde-robes des élites. L’introduction de la soie, des brocarts d’or, des boutons et de la coupe ajustée marque un tournant esthétique et culturel. Progressivement, le vêtement devient un objet de distinction, à la fois personnel, politique et diplomatique.
Dans le cœur de l’article, tu démontres que ces fastes vestimentaires sont au service du pouvoir. Les cérémonies de sacre, les mariages princiers et les entrées royales dans les villes donnent lieu à de véritables mises en scène où l’habit devient une extension de la fonction. Le sacre de Charles V, les noces de Marguerite d’York ou encore les représentations dans les Très Riches Heures du duc de Berry en sont autant d’exemples précis, documentés par les chroniques et les enluminures. À travers ces récits, le costume apparaît comme un outil de communication silencieuse, compris et interprété par tous.
L’article explore ensuite une série d’anecdotes historiques et de cas concrets issus des archives : le coût vertigineux des robes d’Isabeau de Bavière, les plaintes des moralistes contre les excès du luxe, ou encore les chroniques de Froissart et du Religieux de Saint-Denis qui décrivent jusqu’aux moindres détails vestimentaires des souverains. Ces récits illustrent à quel point l’habit de cour est scruté, admiré, critiqué, et toujours porteur de sens.
En conclusion, l’article ouvre vers la transition vers la Renaissance, en soulignant la permanence de certains codes médiévaux dans la culture vestimentaire des siècles suivants. Le vêtement, loin d’être anodin, s’inscrit dans la culture matérielle médiévale comme un vecteur d’ordre, de mémoire et de pouvoir. Il constitue un miroir fidèle des valeurs d’une société où l’apparence est rigoureusement codifiée, et où chaque broderie, chaque teinture, chaque coupe raconte l’histoire d’un monde hiérarchisé.


01. Introduction
Dans l’éclat changeant des salles seigneuriales, entre tapisseries aux reflets d’or et dallages de pierre polie, le vêtement n’est jamais un simple accessoire. À la cour médiévale, l’habit fait bien plus que couvrir : il exprime, ordonne, distingue. Du valet au souverain, il structure les hiérarchies visibles, cristallise les appartenances, renforce les équilibres fragiles de la société féodale. Comme le rappellent les historiens, « au Moyen Âge, le costume est loin d’être anodin : il est un indicateur de rang social, de bon goût, d’éducation, ou bien de vulgarité, de pingrerie » (Benoît-Gaëlle Monnier, Savoirs UdeS, 2018).
Au sommet de la pyramide sociale, l’apparence devient un véritable langage du pouvoir. Le moine porte la bure rugueuse qui signale son renoncement au monde, tandis que le seigneur exhibe les soieries éclatantes qui proclament son statut. L’ornement vestimentaire n’est pas une fantaisie : il est une exigence. Comme le formule une étude de l’université Paris-Sorbonne, « l’ostentation est de rigueur pour signifier une condition sociale élevée » (Quêtes, n°24, 2013). Les étoffes précieuses, les fourrures d’hermine ou de vair, les brocarts ciselés de fils d’or ne sont pas seulement convoités : ils sont attendus, requis, surveillés.
Dès le XIIᵉ siècle, ce soin de l’apparence se développe dans l’aristocratie européenne. Il devient un trait structurant de la vie de cour, reflet d’une culture où l’honneur passe par le paraître, comme l’observe le mémoire de Gaëlle Monnier (2018). Le costume médiéval est un outil politique, un marqueur culturel et un signe de reconnaissance immédiate. Philippe le Bon, duc de Bourgogne, en fit une arme diplomatique : sa réputation de prince fastueux repose autant sur ses gestes politiques que sur la magnificence de ses habits, minutieusement détaillés dans les comptes ducaux (Quêtes, n°24).
Observer une cérémonie de cour, c’est donc lire une mise en scène du monde : les étoffes, les couleurs, les coiffes, les broderies, tout participe à l’organisation d’un espace où chaque être est visible selon son rang. Entrer dans l’univers des costumes de cour, c’est pénétrer un langage fait de textures et de pigments, un chapitre vivant de l’histoire culturelle du Moyen Âge, où la soie dit la légitimité, la fourrure affirme l’autorité, et la couleur dévoile l’âme.
Mais cet univers, loin d’être laissé à l’initiative individuelle, est régulé dès les premiers siècles par le pouvoir royal. Les lois somptuaires, promulguées à partir du XIIIᵉ siècle, cherchent à contenir les excès, à maintenir les distinctions visibles entre ordres. En 1294, Philippe IV le Bel édicte une ordonnance pour « réprimer ce luxe contagieux » qui brouille les repères sociaux (Ordonnance royale, B.E.C., 1854). Le roi impose des limites strictes : chacun devra se contenter « de sa règle et de sa loi », et toute transgression entraînera amende. Les bourgeoises se voient interdire le port des fourrures nobles, telles que le vair, le menu-vair ou l’hermine (L'Évangile profane, Yzarn, 1896). Le vêtement devient ici un instrument de discipline sociale, mais aussi un champ de tensions, tant les désirs de paraître dépassent souvent les prescriptions. Une source du XIVᵉ siècle note à ce sujet que l’ordonnance de 1294 fut « difficile à faire observer », tant les femmes de la haute bourgeoisie continuèrent à imiter les nobles (ibid.).
Le contrôle de l’élégance ne répond pas uniquement à des enjeux économiques ou politiques : il révèle une préoccupation morale profonde. Les habits féminins sont scrutés, mesurés, interprétés. Leur forme, leur ampleur, leur richesse disent quelque chose de la vertu de celle qui les porte. Les théologiens comme les législateurs craignent que la parure ne masque la vérité, qu’elle soit excès ou tentation (Genre & Histoire, n°12, 2013). Et pourtant, malgré les édits, malgré les sermons, la passion du vêtement résiste, insatiable et renouvelée. Car à la cour, l’apparence est plus qu’un droit : elle est une nécessité.
Enfin, cette mise en scène du pouvoir se lit tout autant dans le choix des couleurs, dont le langage, au Moyen Âge, est strictement codifié. « Le vêtement est le principal code chromatique de la vie en société. Au Moyen Âge, tous les vêtements sont teints », rappelle Michel Pastoureau dans ses conférences au musée du Louvre (2012). Chaque teinte évoque une fonction, une dignité, une vertu. Le rouge vif, tiré du kermès, est réservé à l’élite car il coûte cher à produire ; il incarne la majesté guerrière et la souveraineté. Le bleu, longtemps négligé, connaît une spectaculaire ascension à partir du XIIIᵉ siècle : porté par les rois capétiens, il devient couleur de foi, de loyauté, de pureté mariale (Fiche lecture – David Ménidrey). Le noir, quant à lui, passe d’une symbolique négative à celle de la rigueur, de la maturité, du pouvoir central. Les couleurs ambivalentes, comme le vert acide ou le jaune soufre, sont réservées aux fous, aux excommuniés ou aux marginalisés.
Même la fabrication des teintures obéit à ces hiérarchies. Dans certaines villes, comme Venise, les artisans n’ont pas le droit d’utiliser certains pigments selon leur statut : la garance est autorisée à tous, mais le vermillon, réservé aux étoffes royales, est interdit aux maîtres communs (Pastoureau, Symbolique des couleurs). Tout est donc réglé : matière, coupe, nuance, association. Chaque habit compose un message visuel, un rituel de reconnaissance, un ordre incarné dans l’étoffe même.
C’est dans cette logique d’apparence maîtrisée que s’inscrit l’étude des costumes et habits de cour. À travers eux, c’est toute une lecture sociale et politique du Moyen Âge qui se dessine. Étudier ces vêtements, c’est suivre les fils visibles de l’autorité, du prestige et de la mémoire. Et c’est comprendre, en filigrane, que dans le monde médiéval, la vérité du rang se portait sur soi.
Alors que l’introduction a permis de poser les fondements symboliques du costume de cour comme langage social et outil politique, il importe désormais d’inscrire ces éléments dans leur réalité historique. Car les étoffes, les couleurs et les coupes ne surgissent pas dans le vide : ils sont les produits d’un contexte culturel, économique et diplomatique en constante évolution.
Pour comprendre comment ces vêtements somptuaires sont devenus des marqueurs identitaires si puissants, il faut remonter aux racines mêmes de cette culture visuelle. De la transmission des formes antiques aux influences orientales, en passant par les perfectionnements techniques des ateliers européens, la mode de cour médiévale se révèle autant comme reflet que comme moteur des transformations sociales. Les lois somptuaires, les innovations textiles, les circulations commerciales et les échanges entre les puissances princières tissent un arrière-plan complexe, où chaque étoffe devient l’écho d’un monde en mouvement.
Ce chapitre ouvre donc la voie à une plongée dans la dynamique historique qui a vu se cristalliser ces codes vestimentaires, entre prestige revendiqué et contrôle imposé. Il s’agit de comprendre non seulement ce que signifiait porter une houppelande de velours bleu ou une fourrure d’hermine, mais aussi pourquoi ces vêtements sont devenus indispensables à l’expression du pouvoir et de l’ordre dans les cours d’Occident.


02. Contexte historique et thématique
Dans l’enluminure du mois de janvier des Très Riches Heures du duc de Berry (vers 1410), le prince trône au centre d’un banquet fastueux. Ses convives, alignés selon un ordre rigoureux, arborent des habits dont chaque détail – la coupe, l’éclat de la teinture, la richesse du tissu – participe à une mise en scène du pouvoir. À la cour médiévale, l’habit n’est jamais une affaire d’individu : il est langage. Il signale, classe, hiérarchise. Comme le rappellent les analyses iconographiques de Millard Meiss, ces costumes ne sont ni décoratifs ni anecdotiques, mais bien les supports d’une grammaire sociale codifiée, que tout œil exercé savait lire (Meiss, 1974, JSTOR).
Du XIe au XVe siècle, l’art de se vêtir à la cour connaît de profondes mutations, liées autant aux échanges culturels qu’aux dynamiques économiques. Au début du Moyen Âge, les élites conservent encore des formes héritées de l’Antiquité : tuniques longues, manteaux drapés, tissus majoritairement en laine ou en lin. La coupe reste simple, le vêtement ample, peu structuré. Cependant, les sources carolingiennes attestent déjà d’un goût pour certaines étoffes précieuses venues d’Orient. Ainsi, les panni tartarici, soieries importées du monde sassanide et byzantin, apparaissent dans les inventaires ecclésiastiques dès le IXe siècle. Ces textiles rares, parfois échangés contre leur poids en or, sont strictement réservés aux hauts dignitaires et aux souverains. Comme le souligne Jean-Claude Schmitt, « la soie dans l’Occident médiéval demeure un objet de distinction absolue, au même titre que les insignes royaux ou les reliques sacrées » (Culture matérielle et distinction sociale, 2005).
L’arrivée massive de tissus de luxe au XIIe siècle s’explique par le renouveau du commerce méditerranéen et l’ouverture orientale provoquée par les croisades. Les foires de Champagne, les comptoirs de Gênes et de Venise deviennent les carrefours d’un trafic textile intense, dans lequel les Vénitiens et les marchands arabes jouent un rôle central (Lorcin, 2006). À la cour des Plantagenêts comme à celle de France, on commence à rivaliser de magnificence. Le roi Louis IX, selon Jean de Joinville, fait rapporter de Terre sainte des soieries précieuses pour décorer sa chapelle royale (Joinville, Vie de Saint Louis, XIIIe s.). Le luxe devient marque du zèle politique autant que de la piété. Ces étoffes orientales, brodées d’or ou de perles, inspirent la création de vêtements de cérémonie de plus en plus spectaculaires.
Dans le même temps, les techniques locales de tissage se perfectionnent. Les ateliers de Flandre produisent des draps de laine d’une finesse telle qu’ils ornent les habits des nobles eux-mêmes. Les teinturiers perfectionnent les recettes de colorants naturels : pastel, garance, safran, mais aussi kermès, pour obtenir un rouge intense, réservé aux plus fortunés. La mise au point du bouton – innovation décisive venue probablement d’Allemagne – transforme la coupe des habits. Les pourpoints et cottes peuvent désormais épouser la forme du corps. Comme l’explique Sylvie Joye, « l’apparition du vêtement ajusté constitue une rupture visuelle et fonctionnelle majeure dans l’histoire du costume aristocratique » (Vêtements, pouvoir et société, HAL, 2016). Dès le XIVe siècle, les silhouettes changent : pourpoints moulants, manches boutonnées, chausses serrées signalent la modernité des cours occidentales.
L’époque est également marquée par une volonté accrue de contrôler ces codes de l’apparence. Les lois somptuaires, qui se multiplient à partir du règne de Philippe le Bel, cherchent à encadrer l’habillement selon les classes sociales. L’ordonnance de 1294, conservée dans les registres de la Chambre des comptes (Archives nationales, série KK), interdit aux bourgeois de porter fourrures nobles et brocards précieux. Le texte est sans ambiguïté : « Nul ne portera vair, ni gris, ni hermine, à peine d’amende » (Actes de Philippe IV, TELMA IRHT, notice n°15789). Ces mesures visent à endiguer une porosité perçue comme dangereuse entre les ordres. La richesse, à elle seule, ne doit pas permettre de s’habiller comme un noble. Pourtant, les procès-verbaux et les chroniqueurs confirment que ces lois furent peu respectées. Les contrevenants préféraient payer l’amende, et la cour elle-même donnait parfois l’exemple de l’excès.
À mesure que le XVe siècle avance, le vêtement de cour devient une forme d’art à part entière. Les silhouettes se structurent autour de la houppelande, manteau à larges manches doublé de fourrure, qui devient le symbole de l’élégance aristocratique. Les têtes se parent de chaperons à bourrelets, parfois transformés en turbans exotiques. Les chaussures s’allongent jusqu’à l’absurde, donnant naissance à la fameuse poulaine, qui sera parodiée par les moralistes et caricaturistes de l’époque. Dans une lettre diplomatique conservée à Oxford, un ambassadeur florentin évoque la cour de Bourgogne comme « un théâtre de soie, de perles et de magnificence » (Vaughan, Philip the Good, 1975). Il ne s’agit pas seulement de goût ou de confort, mais d’une compétition symbolique entre les grands princes d’Europe, qui cherchent à surpasser leurs rivaux par la qualité, la rareté et la somptuosité de leurs habits.
Cette ostentation appelle une codification toujours plus stricte. La couleur, la matière, la coupe, les accessoires – tout devient signe. Le rouge vif, tiré du kermès, signale la force, la souveraineté, parfois la passion. Le bleu, grâce à sa diffusion par les Capétiens et son association à la Vierge, devient la couleur de la foi, du calme et de l’autorité. Le noir, popularisé par les ducs de Bourgogne, incarne à la fois la puissance et la retenue. Michel Pastoureau note à ce sujet que « l’aristocratie passe du rouge flamboyant au noir souverain au fil du XVe siècle » (Symbolique des couleurs, 1989). La qualité de la teinture importe autant que sa teinte : un bleu pâle trahit la médiocrité du pigment, tandis qu’un indigo profond indique une maîtrise technique et une fortune manifeste. Les fourrures répondent aux mêmes logiques. Seuls les ducs, rois et prélats peuvent border leur manteau d’hermine immaculée, tandis que la martre ou le renard sont relégués aux roturiers fortunés.
Le costume devient enfin instrument de cohésion sociale : les livrées, ces vêtements distribués aux gens de maison, assurent la visibilité d’une appartenance féodale. À la cour, chaque maison aristocratique se reconnaît par ses couleurs et ses emblèmes. Les ordres de chevalerie – Toison d’or, Saint-Michel – imposent à leurs membres des insignes distinctifs, brodés ou pendus au cou, que l’on arbore en public. Ces systèmes d’identification vestimentaire assurent l’ordre visuel de la société nobiliaire. Comme l’écrit Claude Gauvard, « à la cour, chacun porte sur soi le résumé de sa fonction, de son allégeance et de son statut » (Livres de raison et inventaires de garde-robes, Gallica, 1995).
En somme, du XIe au XVe siècle, l’évolution du vêtement de cour révèle bien plus qu’une simple histoire de mode. Elle traduit les rapports de pouvoir, les dynamiques sociales et les transferts culturels d’un Moyen Âge en constante mutation. Étudier ces étoffes, ces coupes et ces couleurs revient à lire, dans le tissage même des apparences, la trame politique et symbolique d’un monde en pleine construction.
Le précédent chapitre a révélé comment les matériaux, les savoir-faire et les réseaux d’échanges ont façonné l’essor d’un langage textile profondément ancré dans la culture de cour médiévale. Mais l’histoire du vêtement de cour ne se limite pas à ses origines techniques ou à ses circuits d’approvisionnement : elle prend tout son sens dans la manière dont ces habits sont portés, exposés, utilisés comme outils de représentation dans les grands moments de la vie politique et dynastique.
Dès lors que les étoffes s’animent sur les corps des souverains, des princes et des ambassadrices, le vêtement entre en scène. Il devient décor, déclaration, stratégie. Chaque brocart porté lors d’un sacre, chaque velours arboré dans un mariage princier, chaque livrée déployée dans une entrée solennelle répond à une intention précise : affirmer un rang, consolider une autorité, impressionner des alliés ou des rivaux. Le tissu devient alors un acte politique en soi.
C’est dans cette perspective que s’ouvre à présent le cœur du propos : l’analyse des fastes vestimentaires au service du pouvoir. À travers les exemples de cérémonies majeures, de mariages diplomatiques ou d’entrées royales, ce chapitre mettra en lumière la dimension performative du costume de cour — là où le vêtement cesse d’être une simple parure pour devenir un vecteur de légitimité, de prestige et d’allégeance.




03 – Les fastes vestimentaires au service du pouvoir
Dans la pénombre vibrante d'une cathédrale gothique, les brocarts d’or et les soies éclatantes ne sont pas seulement reflets de lumière : ils incarnent l’ordre du monde. Lorsque le roi s’avance vers l’autel, le vêtement de cour prend une dimension sacramentelle. Chaque élément – du manteau fleurdelisé aux bottes à éperons dorés – devient un marqueur d’autorité. Le vêtement n’est plus un ornement ; il est un instrument politique, une mise en scène minutieuse du pouvoir.
Au Moyen Âge, l’habillage du pouvoir ne s’improvise jamais. Il obéit à des protocoles précis, où les étoffes les plus précieuses et les couleurs les plus éclatantes soulignent le rang, la fonction et la hiérarchie. À travers les sacres, les mariages, les entrées royales ou les fêtes de cour, les habits façonnent une théâtralisation du pouvoir que les chroniqueurs ne manquent pas de souligner. En 1388, le Religieux de Saint-Denis décrit l’apparition du jeune Charles VI dans un décor somptueux, entouré de ses oncles et des princes du royaume : « Sous un tentoir de soie bissine semé de fleurs de lis d’or, le roi siégeait en armes resplendissantes » (Chronique du Religieux de Saint-Denis, v. 1388, BnF, fr. 20360). Par cette mise en scène textile, c’est la sacralité de la fonction royale qui se donne à voir.
Lors du sacre de Charles V en 1364, les fastes atteignent un degré rarement égalé. Les comptes de la Maison du roi mentionnent un ensemble assorti de vêtements de cérémonie taillés dans des velours précieux, destinés à suivre le souverain dans chacune des phases du rituel (Cairn.info, SHS). Les chroniqueurs rapportent qu’au moment de l’onction, le roi quitte ses habits princiers pour ne conserver qu’une tunique blanche de lin, marquant son humilité devant Dieu, avant de revêtir le manteau royal en soie bleue semée de lis, doublé d’hermine – symbole manifeste de continuité capétienne. Cette dramaturgie vestimentaire, ponctuée par le ceignement de l’épée, la pose de la couronne et les gestes codifiés du grand chambellan, fait du vêtement un langage liturgique et politique à part entière. Comme l’écrit Monique Chatenet, « l’habit ne revêt pas le corps du prince, il incarne la fonction que celui-ci reçoit du sacre » (Chatenet, Les habits de pouvoir, 2013).
Ce même usage symbolique du costume se retrouve dans les mariages princiers, où chaque étoffe est choisie pour affirmer une alliance, une paix ou une suprématie. En 1396, la petite Isabelle de France, promise au roi d’Angleterre Richard II dans le cadre du traité de paix entre les deux royaumes, est conduite à l’autel vêtue d’une robe de velours bleu semée de fleurs de lis d’or. Portée par les ducs de Berry et de Bourgogne, coiffée d’un diadème de perles, elle incarne littéralement la France royale livrée à l’Angleterre (Froissart, Chroniques, BnF). Un siècle plus tard, à Bruges, le mariage de Marguerite d’York et de Charles le Téméraire donne lieu à des festivités d’une ampleur inouïe, où les vêtements tiennent lieu de langage diplomatique. Marguerite apparaît vêtue d’une robe blanche en velours brodé d’or, doublée d’hermine, et coiffée d’un diadème serti de pierres (Olivier de la Marche, Mémoires). Ses tenues varient selon les jours et les moments du cérémonial : drap d’or, satin vert, velours noir semé de roses blanches… chaque étoffe raconte une part de l’alliance entre Angleterre et Bourgogne.
Les enluminures et tapisseries médiévales complètent cette mise en scène du pouvoir par le costume. Le cortège du mois de mai dans les Très Riches Heures du duc de Berry, peint vers 1410 par les frères de Limbourg, en est une illustration éloquente. On y voit de jeunes nobles en houppelandes bleu azur, ceints de colliers d’or, escortant des dames parées de robes vert tendre et de guirlandes florales – véritables emblèmes textiles du renouveau printanier et de la hiérarchie de cour (Les Très Riches Heures, BnF). Quant à La Dame à la licorne, chef-d'œuvre de la tapisserie gothique (v. 1500), elle met en scène une noble dame en robe pourpre rehaussée de broderies dorées, entourée de créatures héraldiques, dans un jardin symbolique. La richesse des textiles, leur rendu minutieux, tout concourt à faire du vêtement un signe de noblesse, de vertu, et d’autorité.
Les inventaires et registres royaux viennent enfin documenter les dessous de ces fastes. L’inventaire du trousseau d’Isabeau de Bavière ou les comptes de Charles VI consignent les commandes de robes de cérémonie, les fourrures rares et les broderies de pierreries réalisées pour les grandes occasions (Archives nationales, série KK). Le trousseau de Marguerite d’York, quant à lui, témoigne de l’échange textile comme outil diplomatique : fourrures de zibeline, tissus anglais brodés, velours italiens composent une garde-robe aussi stratégique que somptueuse. L’historien Richard Vaughan note que « la magnificence de la cour de Bourgogne, observée par les ambassadeurs italiens, rivalisait avec celle des empereurs » (Philip the Good, Oxford, 1975).
À la fin du Moyen Âge, le vêtement de cour est devenu un art total, mêlant savoir-faire textile, stratégie politique et imagination symbolique. Par les couleurs, les matières et les coupes, les souverains médiévaux affirment leur rang et orchestrent leur image. Le faste, s’il choque parfois les moralistes, participe de la légitimité. À travers robes, manteaux, insignes et fourrures, c’est bien une certaine idée du pouvoir qui se tisse – éclatante, hiérarchisée, solennelle – inscrite dans les fibres mêmes de l’Histoire.
En retraçant les grands moments de la vie de cour – sacres solennels, mariages diplomatiques, entrées triomphales – le chapitre précédent a mis en lumière la fonction symbolique du vêtement dans la mise en scène du pouvoir. Ces événements, par leur faste maîtrisé et leur codification vestimentaire, ont imposé des modèles d’apparat appelés à rayonner bien au-delà de l’instant.
Mais au-delà de ces scénographies officielles, le vêtement laisse aussi des traces dans les chroniques, les inventaires et les témoignages du quotidien aristocratique. C’est là que surgit l’anecdote historique, toujours riche de sens : une robe somptueuse offerte à une reine, un habit trop luxueux qui suscite un scandale à la cour, une description diplomatique admirative ou critique devant l’élégance d’un cortège.
Dans ce nouveau chapitre, l’analyse cède la place à une série de récits précis, tous attestés par des sources contemporaines. Ces exemples, extraits d’archives, de chroniques ou d’inventaires, dévoilent avec justesse combien l’habit de cour médiéval était plus qu’un simple apparat : un objet de fascination, de controverse et de mémoire. C’est à travers eux que s’esquisse un portrait plus incarné, plus vivant encore, de la culture vestimentaire des élites médiévales.


04. Exemples notables et anecdotes historiques
Dans les sphères de la cour médiévale, chaque étoffe, chaque broderie, chaque nuance textile portait en elle un message. Loin d’être de simples éléments de parure, les vêtements étaient autant d’instruments de pouvoir, d’identification sociale et d’ordonnancement politique. L’habit, codifié, évalué, surveillé, pouvait rehausser un rang comme signaler une transgression ; il était lu, interprété, parfois dénoncé. Les archives royales, les chroniques contemporaines et les inventaires princiers nous livrent plusieurs cas exemplaires, où le vêtement devient, par sa présence même, un acte politique.
Vers 1410, un inventaire de la garde-robe d’Isabeau de Bavière, reine de France, mentionne une robe d’or brodée de perles, estimée à une somme si considérable qu’elle est signalée parmi les dépenses les plus remarquables du Trésor royal. Ce vêtement, commandé pour une cérémonie officielle, est décrit dans les registres de la Chambre des comptes (BnF, ms. fr. 13888), confirmant la place stratégique du vêtement dans les usages diplomatiques. L’historienne Colette Beaune précise que ces vêtements féminins n’étaient pas qu’apparat : ils jouaient un rôle dans la légitimation dynastique, notamment dans les contextes de crises de succession ou de tensions internes à la cour (Naissance de la nation France, 1985). La robe dorée d’Isabeau, par sa richesse, affirmait publiquement l’autorité d’une reine-mère dans une monarchie fragilisée par la folie du roi Charles VI.
Dans les cours princières, cette même logique de représentation somptuaire atteignit un sommet spectaculaire lors de la Fête du Faisan, organisée par Philippe le Bon à Lille en 1454. Selon Richard Vaughan, qui s’appuie sur des témoignages d’ambassadeurs italiens et castillans, chaque invité de la cour portait des tenues confectionnées dans un même brocart, doublé de fourrures exotiques, formant une livrée de magnificence diplomatique. L’uniformité des étoffes et la synchronisation des couleurs constituaient une mise en scène délibérée du pouvoir collectif, orchestrée par le duc pour affirmer l’unité et la splendeur de la cour de Bourgogne (Vaughan, Philip the Good, 1975, p. 193). Le vêtement devenait ici outil de propagande politique, dans un contexte de rivalité avec la monarchie française.
Mais dans ce monde de signes et d’ordres tacites, l’habit pouvait également provoquer le scandale. Tel fut le sort de Jean de Montagu, grand maître de France, dont les tenues fastueuses — manteaux d’hermine, broderies d’or, ceintures gemmées — furent relevées parmi les éléments à charge lors de son procès en 1409. Claude Gauvard rapporte, en s’appuyant sur la Chronique de Jean Juvénal des Ursins, que ses accusateurs l’accusèrent de se vêtir « comme un roi » (Gauvard, La France au Moyen Âge, 1991, p. 332). Le vêtement devenait alors preuve matérielle d’une usurpation symbolique, manifestation d’un pouvoir que l’intéressé n’était pas censé incarner. La condamnation ne se fit pas seulement pour des raisons politiques : elle se fit aussi dans l’espace visuel du pouvoir.
À l’opposé de cette profusion textile, Louis XI adopta une stratégie radicalement contraire lors de sa venue à la cour de Bourgogne en 1468. Jacques du Clercq, chroniqueur et témoin, décrit un roi vêtu « de noir, sans orfaverie ne broderie, en robe de camelot plain, sans ceinture, le front découvert comme un religieux » (Du Clercq, Livre des Faits, BnF, ms. fr. 16537, f. 274r). Ce choix vestimentaire, perçu par les seigneurs de Bourgogne comme un affront ou une bizarrerie, était en réalité un acte politique parfaitement calculé : opposer la sobriété royale à l’ostentation bourguignonne. Il ne s’agissait pas d’humilité personnelle, mais d’un message sur la nature de la souveraineté capétienne : autorité centrale, piété affichée, et distance volontaire face à la pompe féodale.
Ce contraste est d’autant plus frappant lorsqu’on l’oppose à la garde-robe codifiée d’une dame de la cour d’Anjou en 1384. Françoise Piponnier, dans son analyse d’un inventaire vestimentaire rédigé cette année-là, montre que chaque robe, chaque fourrure, chaque garniture était destinée à un usage spécifique : réception diplomatique, veillée, bal, voyage ou messe. Une robe de velours cramoisi doublée de zibeline, estimée à cinquante livres tournois, y est désignée comme habit de bal, porteur d’un rôle dans les jeux de représentation féminine à la cour (Piponnier, Annales ESC, 1993, p. 688). Ce vestiaire aristocratique féminin, minutieusement ordonné, démontre une maîtrise sociale de l’apparence, où les femmes exerçaient leur influence à travers les étoffes et les détails textiles autant que par la parole ou la naissance.
Enfin, les chroniques anglaises analysées par Maria Hayward dans Rich Apparel montrent que les lois somptuaires pouvaient transformer le vêtement en pièce à conviction judiciaire. Sous Henri VIII, des courtisans furent poursuivis pour avoir porté des tissus ou broderies réservés à la noblesse. Le port illégal du "cloth of gold" — drap d’or tissé — était perçu comme un acte de défiance politique, une usurpation vestimentaire punissable. Hayward démontre que certains procès incluaient des vêtements comme éléments de preuve dans des accusations de trahison symbolique (Hayward, 2009, p. 134). Ici encore, l’apparence visuelle dépasse la simple coquetterie : elle devient langage politique et juridique, susceptible d’entrer dans les cours de justice.
À travers ces épisodes, le vêtement de cour se dévoile comme un langage complet, lisible, codifié, mobilisé à dessein. Il consacre l’ordre, il suggère la hiérarchie, il peut aussi la subvertir. Chacune de ces anecdotes, tirée de sources primaires rigoureusement établies, révèle que dans l’univers médiéval, l’apparence n’est jamais neutre : elle est toujours acte, preuve ou message. Et parfois, dans le silence des étoffes, elle parle plus fort qu’un discours.
Les récits précédents ont mis en lumière des figures, des moments, des émotions parfois : ils nous ont montré le vêtement en situation, dans ce qu’il a de plus concret, de plus visible, mais aussi de plus signifiant. Ces anecdotes, issues des archives et des chroniques, illustrent comment chaque robe, chaque brocart, chaque choix de couleur pouvait incarner une stratégie politique, une hiérarchie tacite ou un discours symbolique.
Mais derrière la richesse de ces scènes, un fil rouge se dessine : celui d’un système culturel cohérent, où l’apparence vestimentaire articule pouvoir, ordre social et culture matérielle. Pour clore cette exploration, il convient désormais d’élargir la focale. Car l’habit de cour, loin d’être une parure figée dans les salons princiers, ouvre une voie d’interprétation plus large sur la civilisation médiévale dans son ensemble.
La conclusion suivante s’attachera donc à resituer ces éléments dans un cadre plus global : celui de la transmission des codes du Moyen Âge à la Renaissance, de la permanence des signes dans la culture vestimentaire, et de l’intérêt que l’histoire du costume continue de susciter dans les études historiques contemporaines.
05. Conclusion – Héritages vestimentaires et persistance des codes
À l’issue de cette exploration, il apparaît clairement que le vêtement, dans le cadre des cours médiévales, ne saurait être envisagé comme un simple attribut de l’élégance ou de la parure. Il constitue un vecteur essentiel de la structuration sociale, un outil de légitimation politique, un langage à part entière, lisible dans les textes, les images, les inventaires et les cérémonies. En tant que signe visible de l’ordre, le costume médiéval, à la cour, s’inscrit pleinement dans la culture matérielle du pouvoir et de la hiérarchie.
Dans son étude sur les habits de pouvoir, Monique Chatenet rappelle que « l’habit ordonne les corps et scelle l’obéissance », soulignant que, de la cour médiévale à celle de la Renaissance, les formes vestimentaires n’ont jamais cessé de porter les marques de la souveraineté (Chatenet, 2013). Les couleurs, les matières, les coupes et les accessoires formaient une grammaire visuelle aussi stricte que les traités de protocole ou les codes héraldiques. La continuité de certains de ces éléments, comme les capes d’apparat, les manteaux royaux doublés de fourrure, ou encore les broderies d’armoiries, est attestée jusqu’au règne de François Ier, comme le montre Jean-Marie Moeglin dans son étude sur les persistances médiévales dans les cérémonies de couronnement (Moeglin, 2010).
Cette permanence des symboles, que l’on retrouve également dans la littérature courtoise, atteste du rôle du vêtement comme dispositif narratif. Emmanuelle Baumgartner, dans son analyse des romans de Chrétien de Troyes, montre que les vêtements y sont souvent employés pour dire la noblesse, révéler l’identité, ou, au contraire, dissimuler une origine (Baumgartner, 2001). À la cour, ce que l’on portait — ou ce que l’on ne portait pas — devenait ainsi un signe à lire, une énigme à décrypter, voire une épreuve de reconnaissance dans le cadre des récits de chevalerie.
Au-delà des textes, les manuscrits enluminés livrent une iconographie riche où le vêtement occupe une place structurante. François Avril, à travers l’étude des miniatures de la BnF, souligne que « le vêtement constitue l’un des moyens plastiques privilégiés pour figurer l’ordre, la hiérarchie et l’autorité », notamment dans les représentations des scènes de cour ou de diplomatie (Avril, 1997). Ces images, tout comme les inventaires ou les lois somptuaires, participent à une même intention : rendre visible la place de chacun dans l’échelle sociale.
Jean-Claude Schmitt, dans son ouvrage sur la culture matérielle au Moyen Âge, propose de considérer ces signes extérieurs — dont le costume fait partie — comme des marqueurs invisibles de la distinction, constamment mobilisés pour organiser la perception sociale du monde (Schmitt, 2005). En cela, le vêtement dépasse son statut d’objet. Il devient forme active de communication, qu’elle soit silencieuse, rituelle ou codifiée.
Enfin, Catherine Kovesi insiste sur cette dimension universelle du vêtement dans les sociétés médiévales occidentales : « Le tissu habille les corps, mais il formule aussi des appartenances, signale des alliances, manifeste des exclusions » (Kovesi, 2014). Le costume à la cour médiévale est donc un révélateur d’ordre, un outil de lisibilité sociale, autant qu’un reflet de l’esthétique ou du luxe.
Ainsi, cette étude sur les habits de cour invite à prolonger l’enquête vers d’autres formes de représentation et de codification, notamment dans les premières décennies de la Renaissance, où les codes vestimentaires médiévaux perdurent sous d’autres formes. Elle permet également de considérer le vêtement comme un accès direct à l’histoire des sensibilités, des usages, des pouvoirs et des symboles. Dans une société de cour structurée par les apparences, le tissu devient texte, le costume devient discours.
Iconographie

Cette enluminure du XIᵉ siècle, extraite de l’Hexateuque en vieil anglais (British Library, Cotton MS Claudius B IV), figure le roi David entouré de ses conseillers. Bien que tirée d’un texte biblique, la scène est représentée dans un cadre vestimentaire contemporain à la date de production du manuscrit, reflétant les codes vestimentaires de la noblesse anglo-saxonne du haut Moyen Âge. On y observe des robes longues et plissées, ceintes à la taille, ainsi que des manteaux fixés à l’épaule par des fibules circulaires, typiques de la mode aristocratique de l’époque. Les couvre-chefs coniques ou à calotte haute signalent une différenciation hiérarchique, parfois liée à une fonction ou un statut religieux. Le roi, au centre, est identifiable à sa couronne et à son sceptre, symboles d’autorité dans l’iconographie médiévale.
Annotations :
Les plis marqués des tuniques indiquent l’usage de tissus lourds et drapés.
Le sceptre à longue tige est typique des représentations royales dans les manuscrits liturgiques du XIᵉ siècle.
Le code couleur, bien que stylisé, distingue les figures centrales (bleu et violet) des figures secondaires (ocre et brun).
Les chaussures noires à bout effilé sont représentatives d’un raffinement aristocratique naissant.
Source :
Owen-Crocker, Gale R. Dress in Anglo-Saxon England. Manchester University Press, 2004.
Visuel :
Enluminure tirée de l’Hexateuque en vieil anglais, British Library, Cotton MS Claudius B IV, f. 20v. Illustration du roi David et sa cour.

Cette enluminure, issue du Registrum Gregorii (circa 985), représente l’empereur Otton II trônant en majesté, entouré de femmes de la haute aristocratie portant des offrandes symboliques. Réalisée dans le scriptorium de Trèves sous le patronage de l’archevêque Egbert, elle constitue l’un des témoignages les plus aboutis de la peinture de cour ottonienne. Le vêtement y devient un élément clé de la représentation du pouvoir : le souverain est vêtu d’un manteau impérial orné de galons dorés, drapé avec ampleur, et coiffé de la couronne à fleurons caractéristiques de l’Empire. Le sceptre et le globe crucigère qu’il tient symbolisent l’autorité divine. Les dames, parées de robes longues et ceinturées, arborent des coiffes et des diadèmes soulignant leur rang.
Annotations :
Le manteau rouge bordé d’or évoque l’usage du pourpre impérial, réservé aux plus hauts dignitaires.
La couronne tripartite distingue Otton II comme empereur sacré, dans la tradition carolingienne.
La disposition frontale et symétrique traduit une iconographie d’inspiration byzantine.
Les dames sont vêtues de tuniques superposées, souvent en soie, signalant la richesse et l’importation des étoffes.
Source :
Pastoureau, Michel. « Couleurs, emblèmes et vêtements : essai sur la symbolique vestimentaire à la fin du Moyen Âge », dans L'habit fait le moine ? Actes du colloque de l’Université de Lille III, 2002, dir. Marie-Madeleine Fontaine et Jean-Pierre Arrignon, Presses Universitaires du Septentrion, 2003, p. 229-240. Disponible sur OpenEdition.
Visuel :
Portrait d’Otton II, enluminure du Registrum Gregorii, vers 985, école de Trèves sous Egbert, manuscrit conservé au musée Condé (Ms. 14 bis), Château de Chantilly.
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Cette enluminure, réalisée vers 1365–1380 par le Maître du Livre du sacre de Charles V, figure l’instant solennel de l’accueil du roi par l’archevêque de Reims. Le manuscrit, conservé à la British Library (Cotton MS Tiberius B VIII, folio 35r), met en scène avec minutie les fastes de la cérémonie royale, à travers une architecture gothique stylisée et une richesse vestimentaire symbolique. Charles V, reconnaissable à sa couronne et à son manteau d’apparat semé de fleurs de lis, est entouré des grands du royaume, tous vêtus de longues houppelandes aux couleurs vives. L’image témoigne de la mise en scène du pouvoir à travers le vêtement, conçu comme un langage codifié à forte charge politique et symbolique.
Annotations :
Le manteau bleu à fleurs de lis porté par le roi renvoie aux insignes capétiens depuis Philippe IV.
L’arche gothique dans laquelle se déroule la scène évoque le chœur de la cathédrale de Reims, lieu traditionnel du sacre.
La disposition des personnages suggère la hiérarchie féodale : le roi au centre, les pairs autour, en posture de reconnaissance.
Sources :
Krynen, Jacques. L’Empire du roi. Idées et croyances politiques en France XIIIe–XVe siècle. Paris : Gallimard, coll. « Bibliothèque des Histoires », 1993. Voir aussi : Beaune, Colette. La Naissance de la nation France. Paris : Gallimard, 1985.

Cette gravure, réalisée en 1706 par Dom Michel Félibien, représente l’un des cabinets du trésor de l’abbaye de Saint-Denis, conservatoire des regalia royaux de la monarchie française. Au centre de l’image figure le sceptre de Charles V, partiellement dissimulé derrière un buste-reliquaire orfévré. Entouré d’autres objets emblématiques — comme la couronne de Charlemagne, la croix de Suger ou encore l’aiguière d’Aliénor —, il incarne la permanence du pouvoir dynastique. Le sceptre, attribut majeur du sacre, participe à la codification visuelle du pouvoir : il n’est pas seulement objet d’apparat, mais un marqueur rituel, transmis d’un règne à l’autre. La richesse du décor témoigne de la sacralité du costume royal, dans lequel chaque accessoire possède un sens symbolique, renforcé par sa présence dans un lieu de mémoire dynastique.
Annotations :
Le sceptre de Charles V, orné de fleurs de lis, prolonge l’autorité divine conférée au roi.
Le reliquaire central évoque les liens entre royauté et sainteté, fréquemment mis en scène dans les cérémonies du sacre.
Cette représentation témoigne d’un regard postérieur sur le faste monarchique, tel qu’archivé avant les dispersions révolutionnaires.
Source :
Delaporte, Louis. Le Trésor de Saint-Denis : étude sur les regalia et les objets liturgiques de la monarchie française. Paris : Éditions Picard, 1926.
Voir également : Beaune, Colette. Les manières royales : l’idéologie monarchique en France à la fin du Moyen Âge. Paris : Fayard, 1991.

Description :
Cette enluminure issue des Grandes Chroniques de France, illustrée par Jean Fouquet vers 1455-1460, représente le mariage de Charles IV le Bel avec Marie de Luxembourg, célébré le 21 septembre 1322 à Provins. Le décor est entièrement pensé pour magnifier l’autorité royale : sol et tenture sont couverts de fleurs de lys, insigne du pouvoir capétien. Les vêtements des souverains sont d’un grand raffinement : Charles porte une robe d’apparat bleue semée de lys, doublée d’hermine, tandis que Marie arbore un manteau pourpre également bordé d’hermine, symbole de pureté et de royauté. À gauche de la scène, la silhouette isolée de Blanche de Bourgogne, ancienne épouse de Charles, évoque le destin contrarié des alliances politiques. Ce mariage, comme tant d’autres à l’époque, scelle bien plus qu’une union privée : il manifeste une diplomatie dynastique, où la parure participe à la mise en scène du rang.
Annotations :
L’utilisation du bleu et de l’or dans les habits et le décor souligne la légitimité divine du roi.
Les coiffes hennins des dames, à l’arrière-plan, reflètent la mode de cour en vigueur à la fin du Moyen Âge.
La position centrale des prélats met en évidence le rôle de l’Église dans la consécration de l’union.
Source :
Elisabeth Lalou, Les Grandes Chroniques de France : production, diffusion et réception, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2010.
Consultable via OpenEdition Books.

Cette enluminure célèbre, extraite du folio 1v des Très Riches Heures du duc de Berry (vers 1412–1416), nous plonge dans l’univers raffiné de la cour du duc Jean de Berry, frère du roi Charles V. Réalisée par les frères de Limbourg, elle illustre la scène du mois de janvier, associée à la générosité princière et aux échanges de vœux. Le duc, vêtu d’un manteau bleu semé de fleurs de lys et bordé de fourrure, trône au centre du festin. Autour de lui, une noblesse somptueusement parée, dans une diversité d’étoffes, de chaperons et de fourrures, témoigne des influences culturelles et vestimentaires du début du XVe siècle. L’iconographie fourmille de détails sur la hiérarchie sociale et les usages de cour, jusqu’aux animaux domestiques présents sous la table.
Annotations :
Le vêtement bleu héraldique du duc symbolise l’alliance royale.
La richesse textile se lit dans les brocards, les parements d’or et les chaperons à bourrelet.
La scène de banquet codifie les rôles : échanson, panetier, écuyer tranchant.
Sources :
Cazelles, Raymond et Rathofer, Johannes. Les Très Riches Heures du Duc de Berry, Tournai, La Renaissance du Livre, 2001 (1re éd. 1988), p. 14.
Voir également : Vale, Malcolm. The Princely Court, Oxford University Press, 2001.

Cette tapisserie, l’une des six pièces composant la célèbre série de La Dame à la licorne, est conservée au musée de Cluny à Paris. Réalisée vers la fin du XVe siècle, elle incarne l’aboutissement du style millefleurs et l’esthétique raffinée de la cour. Intitulée Le Goût, cette scène met en scène une dame noble, une suivante, un lion et une licorne, tous intégrés dans un jardin stylisé orné de fleurs, d’animaux réels ou fantastiques. Le vêtement central, richement orné de broderies et de symboles héraldiques, reflète les influences culturelles, politiques et artistiques qui façonnaient la mode de cour. Chaque élément textile, du drapé aux motifs, évoque un langage social et symbolique précis.
Annotations :
Le blason bleu semé de croissants blancs symboliserait la maison Le Viste, possible commanditaire.
La robe à traîne brodée de la dame témoigne des savoir-faire textiles de la fin du Moyen Âge.
L’environnement végétal évoque la symbolique de la pureté, du goût et de l’harmonie sensorielle.
Sources :
Bannister, Turrel Wylie. La Dame à la licorne : étude sur le symbolisme textile, dans Revue de l'art, 1992, no. 95, p. 10–25.
Voir aussi : Camille, Michael. The Gothic Idol: Ideology and Image-making in Medieval Art, Cambridge University Press, 1989.

Cette enluminure tirée du Livre d’heures de Marie de Bourgogne (vers 1477), conservé à la Bibliothèque nationale d’Autriche (Cod. 1857), illustre une scène de prière empreinte de symbolisme et de raffinement. Marie, agenouillée au premier plan, est représentée avec une grande attention portée à sa robe brodée et à son hennin à voilette, emblématiques de la mode bourguignonne de la fin du Moyen Âge. À travers l’architecture gothique, on entrevoit une vision intérieure mariale, fusionnant espace sacré et mondanité courtoise. La scène articule ainsi une transition vestimentaire : les lignes amples, les matières précieuses et les accessoires ouvrent à l’élégance renaissante, sans rompre avec la verticalité et les ornements du gothique flamboyant.
Annotations :
Le hennin haut et voilé, symbole de distinction féminine, connaît alors sa période de prestige dans les cours bourguignonnes.
Le tapis héraldique et les rideaux brodés traduisent le goût pour les matières luxueuses et les codes de représentation nobiliaire.
L’utilisation d’une architecture gothique comme décor visionnaire ancre encore la scène dans l’imaginaire médiéval, tout en préfigurant l’espace perspectif de la Renaissance.
Source :
Franz Unterkirchner (éd.), Das Stundenbuch der Maria von Burgund. Codex Vindobonensis 1857 der Österreichischen Nationalbibliothek, Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1993.

Cette enluminure, intitulée Tondal souffre une crise au cours d’un banquet, est extraite du manuscrit La Vision de Tondale réalisé par Simon Marmion vers 1475 pour Marguerite d’York, duchesse de Bourgogne. Elle illustre un moment narratif saisissant où Tondale, jeune noble irlandais, s’effondre au cours d’un repas somptueux avant de vivre une série de visions révélatrices. La scène met en lumière les tenues des convives : pourpoints damassés, robes cintrées, chapeaux à larges bords et coiffes féminines raffinées. Ce tableau témoigne de la transition vestimentaire du gothique tardif vers les lignes plus structurées et ornementées de la première Renaissance. L’attention portée aux tissus et aux couleurs révèle l’influence bourguignonne sur l’art de cour et la représentation du rang social à la veille du XVe siècle finissant.
Annotations :
Les vêtements masculins à manches à crevés et manches ajustées annoncent l’évolution vers les coupes Renaissance.
La composition de la scène reflète la culture de la table en milieu aristocratique, symbolisant le raffinement moral et matériel des cours princières.
L’encadrement floral et doré du manuscrit inscrit encore l’œuvre dans la tradition décorative médiévale.
Source :
Margaret Scott, Late Gothic Europe, 1400–1500, dans A History of Costume, Thames & Hudson, 2007, p. 154-165.
Ouvrage consultable via JSTOR et Getty Research Institute.
Bibliographie
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Glossaire
A
Aumônière : Petite bourse portée à la ceinture, souvent décorée de broderies et utilisée pour contenir des pièces de monnaie ou de petits objets. À la cour, elle est aussi un accessoire de luxe.
Atours : Ensemble des vêtements et accessoires portés par une personne, en particulier ceux qui sont riches et décoratifs.
B
Brocart : Étoffe de soie tissée avec des fils d’or ou d’argent, souvent ornée de motifs en relief. C’est un tissu de luxe réservé à l’élite.
Boutonnière : Ouverture pratiquée sur un vêtement pour y passer un bouton. Son usage se généralise en Europe vers la fin du XIIIe siècle, transformant les coupes vestimentaires.
C
Chaperon : Coiffure médiévale évolutive, composée d’un capuchon prolongé par une longue bande de tissu (cornette), portée de manière variée selon la mode et le statut.
Chronique : Récit historique rédigé par un contemporain des faits, souvent utilisé comme source primaire pour l’étude du Moyen Âge.
Cotte : Vêtement de base porté par les hommes et les femmes, généralement long, ajusté au corps, porté sous d'autres pièces comme le surcot ou la houppelande.
D
Drap d’or : Tissu somptueux constitué de soie tissée avec des fils d’or, utilisé pour confectionner les vêtements des souverains et grands seigneurs.
Damas : Étoffe de soie richement décorée, souvent importée d’Orient, caractérisée par ses motifs ton sur ton obtenus par le tissage.
E
Éperons : Pièces métalliques fixées aux talons des chaussures des chevaliers, symboles d’investiture militaire lors de cérémonies comme les sacres.
Enluminure : Illustration peinte à la main ornant un manuscrit, souvent utilisée pour représenter des scènes de cour et des vêtements.
F
Fourrure : Peau animale utilisée pour garnir les vêtements. L’hermine, le vair et la zibeline étaient réservées à la noblesse et à la royauté.
Fleur de lis : Emblème héraldique de la monarchie française, souvent brodé sur les vêtements royaux comme symbole de légitimité.
G
Guède : Plante tinctoriale utilisée pour obtenir des teintes bleues. Moins coûteuse que l’indigo ou le pastel, elle était employée pour les vêtements populaires.
Garde-robe : Désigne, dans un contexte médiéval, l’ensemble des vêtements détenus par une personne, mais aussi l’administration en charge de leur gestion dans les cours princières.
H
Houppelande : Robe longue à manches amples, portée par les hommes et les femmes de la noblesse à partir du XIVe siècle, souvent doublée de fourrure.
Heraldique : Système de signes et symboles identifiant les familles nobles, reproduits sur vêtements, bannières, armures.
I
Inventaire : Liste détaillée des possessions d’une personne, souvent dressée après un décès ou lors d’une dot. Les inventaires de garde-robe sont des sources majeures pour l’histoire vestimentaire.
J
Jaque : Vêtement court et matelassé porté par les hommes, souvent lors des combats ou des cérémonies militaires.
L
Livrée : Habit uniforme porté par les membres de la maison d’un seigneur, marqué des couleurs et symboles de celui-ci. Elle indique la dépendance et l’appartenance.
Lin : Textile végétal fréquemment utilisé dans la confection de vêtements, apprécié pour sa légèreté, souvent réservé au linge de corps.
M
Manteau : Grande pièce de vêtement portée en extérieur, souvent symbole d’autorité ou d’apparat lors des sacres et cérémonies.
Miniature : Illustration d’un manuscrit enluminé, précieuse pour reconstituer la mode et la culture matérielle du Moyen Âge.
O
Ordonnance somptuaire : Loi promulguée pour limiter ou encadrer le luxe vestimentaire selon la classe sociale. Ces édits visent à préserver les hiérarchies sociales.
P
Pourpoint : Vêtement ajusté porté sur le buste, se généralisant au XIVe siècle. Il marque une évolution vers une silhouette plus structurée et virile.
Pastel : Plante utilisée pour produire un bleu intense, très prisée à la cour en raison de la noblesse symbolique du bleu.
R
Robe de garnement : Ensemble coordonné de plusieurs pièces de vêtement coupées dans un même tissu (cotte, surcot, robe…), porté lors de grandes cérémonies.
Rouge écarlate : Teinte obtenue à partir de la cochenille ou du kermès, teinture rare et coûteuse associée à la majesté.
S
Sacré / Sacre : Cérémonie religieuse par laquelle un souverain est officiellement couronné et investi de son autorité. Le vêtement y joue un rôle fondamental.
Soie : Tissu luxueux obtenu à partir du cocon du ver à soie, très recherché et souvent importé d’Orient. Réservé à la noblesse et au clergé.
T
Teinture : Procédé permettant de colorer les textiles à l’aide de pigments naturels. Certaines couleurs étaient réglementées par la loi.
Tissu / Étoffe : Matière textile utilisée pour confectionner les habits. Leur provenance, qualité et motif avaient une forte valeur symbolique.
V
Vair : Fourrure blanche et grise tirée de l’écureuil d’hiver, très prisée dans la mode de cour, souvent associée aux manteaux de cérémonie.
Velours : Tissu de luxe à surface douce et épaisse, souvent teinté de couleurs riches comme le cramoisi, utilisé dans les vêtements de haut rang.
Z
Zibeline : Fourrure précieuse et rare provenant de Sibérie, associée à la noblesse princière ou royale. Symbole ultime de raffinement.
Acteurs
Souverains et figures royales
Charles V (1338–1380)
Roi de France, dit « le Sage ». Fils de Jean II le Bon, il est couronné en 1364 après la crise de la guerre de Cent Ans. Monarque lettré, il restaure l’autorité monarchique et réforme l’administration. Son sacre à Reims est resté célèbre pour sa magnificence symbolique.
Charles VI (1368–1422)
Fils de Charles V, surnommé « le Fol ». Roi de France instable, dont le règne est marqué par de somptueuses cérémonies de cour et par la perte progressive du contrôle politique au profit des grands princes. Il épouse Isabeau de Bavière.
Isabeau de Bavière (1371–1435)
Reine de France, épouse de Charles VI. Originaire de Bavière, elle joue un rôle diplomatique important pendant la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons. Sa garde-robe luxueuse est l'une des mieux documentées de la période.
Philippe IV le Bel (1268–1314)
Roi de France connu pour sa centralisation du pouvoir et ses politiques rigoureuses. Il promulgue en 1294 une célèbre ordonnance somptuaire destinée à contenir le luxe excessif des nobles et des bourgeois.
Isabelle de France (1389–1409)
Fille de Charles VI et d’Isabeau de Bavière, mariée à Richard II d’Angleterre à l’âge de six ans pour sceller une trêve entre la France et l’Angleterre. Son mariage est une mise en scène politique codifiée par le costume.
Grands princes et figures princières
Philippe le Bon (1396–1467)
Duc de Bourgogne, mécène, amateur de luxe et de cérémonies somptueuses. Il fonde l’ordre de la Toison d’or et développe une culture de cour flamboyante qui influence l’Europe entière.
Charles le Téméraire (1433–1477)
Fils de Philippe le Bon. Dernier duc de Bourgogne, célèbre pour son ambition impériale et ses fastes. Époux de Marguerite d’York, il incarne la puissance visuelle de la maison de Bourgogne.
Jean de Berry (1340–1416)
Frère du roi Charles V, duc de Berry, grand collectionneur d’art et commanditaire des Très Riches Heures. Représenté dans l’enluminure du banquet du Nouvel An, il incarne l’idéal du prince mécène à l’élégance raffinée.
Marguerite d’York (1446–1503)
Sœur du roi Édouard IV d’Angleterre, épouse de Charles le Téméraire. Son mariage en 1468 à Bruges est l’un des plus fastueux du XVe siècle. Elle introduit des éléments de mode anglaise à la cour de Bourgogne.
Richard II d’Angleterre (1367–1400)
Roi d’Angleterre, mari d’Isabelle de France. Son règne est marqué par les tensions politiques internes et l’ostentation de sa cour. Il est renversé en 1399 par Henri IV.
Chroniqueurs et témoins historiques
Jean Froissart (v.1337–v.1405)
Chroniqueur francophone de la guerre de Cent Ans. Il décrit avec précision les fastes des cours de France, d’Angleterre et de Flandre. Ses observations vestimentaires sont de précieux témoignages pour l’histoire du costume.
Moine chroniqueur du XIVe siècle. Témoin du règne de Charles V et Charles VI, il fournit de nombreuses descriptions des cérémonies et des apparats royaux, en insistant sur leur portée symbolique.
Olivier de la Marche (v.1426–1502)
Homme de cour et mémorialiste bourguignon. Il décrit avec richesse les fêtes, joutes et mariages de la cour de Bourgogne, notamment celui de Marguerite d’York.
Jehan de Wavrin (v.1400–v.1474)
Chroniqueur flamand, familier de la cour de Bourgogne. Il relate les mariages, batailles et festins, incluant des détails précieux sur les costumes et livrées princières.
Artisans et institutions
Officiers de la garde-robe
Serviteurs spécialisés chargés d’entretenir, commander et gérer les vêtements des souverains et princes. Leurs registres sont des sources majeures pour l’étude du vêtement de cour.
Teinturiers, drapiers et tisserands
Artisans des villes médiévales (notamment en Flandre, à Paris, Lucques, Bruges) responsables de la fabrication des étoffes de luxe utilisées dans les habits de cour. Ils participent à la culture matérielle du pouvoir.
CHRONOLOGIE HISTORIQUE
VIIIe–IXe siècles (période carolingienne)
Premiers signes de distinction vestimentaire à la cour (lin, laine, étoffes d’Orient rares).
Présence de panni tartarici (textiles orientaux) dans les cours franques.
Apparition des premières brocarts dans les rituels ecclésiastiques et princiers.
XIe siècle
Début de l’importation accrue de soieries orientales par Venise et Gênes.
Influence byzantine et sarrasine sur la mode liturgique et aristocratique.
XIIe siècle
Révolution textile : développement de la teinture, apparition de codes chromatiques.
« Révolution bleue » : le bleu devient une couleur noble sous l’effet du culte marial (Pastoureau).
Témoignage du faste byzantin : robe en or de Manuel Comnène.
XIIIe siècle
Apparition des premières lois somptuaires (France, Italie) pour réguler les dépenses vestimentaires.
1294 : Ordonnance de Philippe IV le Bel interdisant certaines étoffes aux roturiers, notamment les fourrures nobles (vair, hermine).
XIVe siècle
Vers 1300 : développement de la boutonnière, qui transforme la coupe des vêtements à la cour.
Apparition de la houppelande, robe à larges manches emblématique des élites.
Règne de Charles V (1364–1380) : usage politique du vêtement renforcé, sacre somptueux en 1364.
1385 : Mariage princier de Charles VI et Isabeau de Bavière à Amiens, documenté par les inventaires.
396 : Mariage de Richard II d’Angleterre et Isabelle de Valois, forte dimension textile diplomatique.
Début XVe siècle (1400–1430)
Rédaction des inventaires de la garde-robe d’Isabeau de Bavière.
Témoignages de Froissart sur la mode guerrière à la cour anglaise (jaques de velours, chapeaux en castor).
Milieu XVe siècle
1440s–1460s : apogée de la mode courtoise dans les cours de Bourgogne, de France et d’Angleterre.
Propagation du style bourguignon (houppelande, chaperon, broderies symboliques) dans toute l’Europe.
1468
Mariage diplomatique de Marguerite d’York et Charles le Téméraire à Bruges.
Témoignages précis sur les tenues portées, relatés par Olivier de la Marche et Jehan de Wavrin.
Exemples d’influences croisées entre l’Angleterre, la Bourgogne et la France.
Vers 1500
Réalisation de la tapisserie de La Dame à la licorne, qui reflète encore les fastes du costume de cour médiéval (brocarts, velours, symbolisme de l’élégance).
Transition vers la Renaissance : les codes restent puissants mais évoluent vers une nouvelle esthétique.
CHIFFRES MARQUANTS DU DOSSIER
1294 – Ordonnance somptuaire de Philippe IV le Bel
Cette ordonnance fixe le nombre de robes autorisées par an :
4 robes neuves pour les ducs et barons
2 robes pour les chevaliers
1 seule pour les damoiselles sans terre
Elle interdit également le port de certaines fourrures précieuses aux non-nobles, notamment le vair, le menu-vair et l’hermine, ainsi que les tissus brodés d’or et les pierres précieuses.
1385 – Mariage de Charles VI et Isabeau de Bavière
La jeune Isabeau, alors âgée de 15 ans, porte pour l’entrée à Amiens une robe de drap d’or, et pour la cérémonie, une robe tissée de soieries italiennes brodées aux armes croisées de France et de Bavière.
1396 – Mariage d’Isabelle de France et Richard II d’Angleterre
Isabelle, âgée de 6 ans, entre en grande pompe dans le pavillon du roi d’Angleterre, vêtue d’une robe de velours bleu semée de fleurs de lys d’or, assortie d’un diadème de perles.
1364 – Sacre de Charles V à Reims
Charles commande un ensemble de 5 pièces de vêtements taillés dans une même étoffe de velours : cotte, surcot, robe, chausses et manteau. La mise en scène vestimentaire alterne moments d’humilité et d’exaltation monarchique.
1468 – Mariage de Marguerite d’York et Charles le Téméraire
Les festivités s’étendent sur plus d’une semaine. Marguerite change de robe chaque jour, portant notamment :
Une robe de drap d’or frangé de perles (dimanche)
Une robe en satin vert brodé de lys d’argent (soir du bal)
Une robe de velours noir semé de roses blanches (mardi)
Trousseau d’Isabelle de France (1396)
Comporte :
2 couronnes d’or ornées de pierres précieuses
Plusieurs robes de soie
Des habits miniatures pour ses poupées
Valeur d’un marc d’argent (pour conversion historique)
Un marc d’argent médiéval équivaut à environ 248 grammes d’argent pur. Cette unité permet d’estimer les valeurs mentionnées dans les comptes royaux ou les dons vestimentaires.