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Madame Élisabeth, la princesse oubliée

10 mai 1794 : exécution de Madame Élisabeth




Madame Élisabeth est une figure emblématique de la monarchie française du XVIIIe siècle. Soeur cadette de Louis XVI, elle est décrite comme une femme pieuse, charitable et dévouée à sa famille. Elle a accompagné son frère jusqu'à la fin, jusqu'à être elle-même exécutée pendant la Révolution française.


Depuis lors, sa mémoire a été l'objet d'un culte, et sa réputation de sainteté a conduit à l'ouverture d'une cause de béatification. Cependant, la méconnaissance de son histoire parmi le grand public a entravé cette cause, ce qui a conduit à une réactivation du processus dans les années récentes. En examinant la vie et le legs de Madame Élisabeth, nous pouvons comprendre comment son exemple de piété et de dévotion continue d'inspirer les gens aujourd'hui.


Contexte historique


La fin du XVIIIe siècle est marquée par de profonds changements en France. La monarchie absolue est contestée, la Révolution française éclate en 1789, et Louis XVI et sa famille sont emprisonnés. Parmi eux, se trouve Madame Élisabeth, la jeune sœur du roi, alors âgée de 30 ans.



Adélaïde Labille-Guiard, Madame Élisabeth de France, vers 1787
Adélaïde Labille-Guiard, Madame Élisabeth de France, vers 1787


Biographie


Élisabeth Philippe Marie Hélène de France, plus connue sous le nom de Madame Élisabeth, est née le 3 mai 1764 à Versailles. Elle est la huitième et dernière enfant du dauphin Louis et de Marie-Josèphe de Saxe. En tant que sœur du roi Louis XVI, elle a été un soutien précieux pour lui pendant la Révolution française.


En 1792, elle a été emprisonnée avec la famille royale et a été appelée à comparaître devant le Tribunal révolutionnaire pendant la Terreur. Elle a été condamnée à mort et exécutée par la guillotine le 10 mai 1794 à Paris. Depuis, le processus en vue de sa canonisation est en cours.


La naissance de Madame Élisabeth est un événement joyeux pour une famille royale éprouvée par les deuils et les défaites de la décennie passée. Depuis la guerre de Sept Ans qui s'est achevée par le Traité de Paris en 1763, le roi a dû faire face aux décès de sa fille aînée, de l'aîné de ses petits-fils, du duc de Parme et du dauphin, père de la petite Élisabeth. En 1766, l'arrière-grand-père de la princesse, Stanislas Leszczynski, est décédé accidentellement, suivi en 1767 par la Dauphine qui a contracté la tuberculose de son mari. La reine Marie Leszczyńska, grand-mère de Madame Élisabeth, est morte en juin 1768. Madame Élisabeth a donc grandi dans une famille endeuillée. Sa première amie et compagne de jeu est sa sœur aînée, Clotilde de France, surnommée "gros-Madame" à cause de son embonpoint.



Éducation


Madame Élisabeth reçoit une excellente éducation confiée aux soins de la comtesse de Marsan, en compagnie de sa sœur Madame Clotilde. Elle s'intéresse particulièrement aux sciences et la philosophie est enseignée par Marie-Thérèse de La Ferté-Imbault, qui devient également son amie. La princesse montre également des dispositions pour le dessin, et quelques-unes de ses œuvres sont conservées au musée de Versailles.


Elle apprend à jouer de la harpe mais chante très mal. Madame Élisabeth est connue pour sa grande piété, influencée par ses tantes Mesdames et leur dévotion religieuse. Elle est six ans plus jeune que son frère Louis-Auguste, devenu dauphin après la mort de leur frère aîné Louis de France, qui épouse Marie-Antoinette d'Autriche.


En 1774, Louis XV meurt et Louis-Auguste devient roi sous le nom de Louis XVI à l'âge de 19 ans. L'éducation de Madame Élisabeth est alors confiée à la baronne de Mackau, dont la fille Marie-Angélique de Mackau devient l'amie la plus proche de la princesse.


Sœur du roi


Enfant, Madame Élisabeth est éduquée avec sa sœur Madame Clotilde par la comtesse de Marsan. Elle montre une grande passion pour les sciences et est instruite par Marie-Thérèse de La Ferté-Imbault en philosophie.


Elle accompagne également la comtesse de Marsan aux salons de peinture officiels et se montre douée pour le dessin. La princesse apprend également à jouer de la harpe mais chante très faux.


Madame Élisabeth est connue pour sa grande piété, qu'elle tient de l'influence de ses tantes, filles de Louis XV, qui lui ont inculqué une grande dévotion, sans altérer sa liberté d'esprit.


À l'âge de 11 ans, sa sœur Madame Clotilde quitte Versailles pour Turin, après avoir été mariée au prince de Piémont. Le mariage d'Élisabeth est également envisagé, mais elle refuse la proposition de devenir coadjutrice de l'abbaye de Remiremont en succession de sa tante, préférant rester à la Cour.


En 1779, la princesse, âgée de 15 ans, décide de se consacrer à Dieu en renonçant au mariage, une décision qui lui permettra plus tard de suivre librement la famille royale dans ses épreuves. Elle obtient également l'autorisation d'avoir sa propre maison et des revenus en propre, et nomme sa compagne de jeu Marie-Angélique de Mackau première dame d'honneur.




Vigée Le Brun - Élisabeth de France, Versailles
Vigée Le Brun - Élisabeth of France, Versailles

Le domaine de Montreuil


En 1781, après la faillite des Guéméné, Louis XVI offre à sa sœur cadette Élisabeth le domaine de Montreuil, situé non loin du château de Versailles et racheté aux Rohan-Guéméné. C'est Marie Antoinette qui fait cette surprise à la princesse en lui proposant une promenade à Montreuil. Madame Élisabeth y séjourne jusqu'en 1789.


À Montreuil, la princesse permet à son vacher de se marier avec sa promise venue de Suisse, en faisant célébrer leur mariage en l'église Saint-Symphorien. Cette union est à l'origine de la fameuse comptine Pauvre Jacques.


Madame Élisabeth est favorable à la variolisation, une technique qui permet de se protéger contre la petite vérole, maladie contagieuse mortelle et fréquente. Elle fait venir son médecin, Le Monnier, pour en bénéficier et permet également aux paysans de ses terres de profiter de ce traitement dans le dispensaire qu'elle a créé.


La princesse se prive également de ses étrennes pendant quatre ans pour que l'une de ses dames de compagnie puisse constituer la dot nécessaire à son mariage avec Anne-Bernard-Antoine, marquis de Raigecourt-Gournay, dont elle est amoureuse.


Château de Montreuil
Château de Montreuil

La Révolution française


Le 3 mai 1789, "Madame Élisabeth" atteint l'âge de la majorité légale et assiste avec toute la famille royale à la messe solennelle célébrée pour l'ouverture des États Généraux à l'église Saint Louis de Versailles. Le lendemain, le dauphin décède à l'âge de 7 ans au Château de Meudon et le roi demande à reculer la date de réception des députés pour se remettre de son deuil, mais sa demande est refusée. "Madame Élisabeth" se rapproche de la reine pour soutenir le roi, et la famille royale est ramenée de force par le peuple à Paris le 6 octobre 1789.


Au lieu de se retirer avec ses tantes, "Madame Élisabeth" choisit de partager le sort de son frère et dispose d'un appartement aux Tuileries à Paris. Malgré les apparences, elle tenait parfois tête à son frère ou à la reine sur des choix de stratégie politique, adoptant une position ultra sans la moindre concession aux partisans d'une monarchie constitutionnelle.


Dès 1790, elle soutient l'alliance des émigrés avec les puissances étrangères, correspondant régulièrement avec le comte d'Artois émigré à Turin puis à Coblence, dont elle partage les idées. Une de ses lettres au comte d'Artois est découverte sur un officier et remise pour examen à l'Assemblée Nationale. Elle s'oppose également à la constitution civile du clergé et à toute mesure qui diminue les prérogatives royales ou celles de l'Église.


En juillet 1790, elle fait vœu de se consacrer au Cœur immaculée de Marie pour obtenir la conservation de la religion en France, offrant à la cathédrale de Chartres un Cœur de Jésus joint au Cœur de Marie, faits tous les deux en or pur.


"Mesdames tantes" quittent la France pour les États du pape en 1791 et proposent à "Madame Élisabeth" de les accompagner, mais elle choisit encore une fois de rester avec le couple royal. Elle accompagne son frère et sa belle-sœur lors de leur fuite avortée vers Montmédy le 20 juin 1791 et, un an plus tard, fait face aux émeutiers déchaînés sans les détromper sur son identité lorsqu'ils forcent les portes du palais des Tuileries pour intimider Louis XVI.


La détention d'Élisabeth au Temple pendant la Révolution française


Le 10 août 1792, l'Assemblée législative suspendit le roi et détrôna Louis XVI un mois après. Élisabeth, sa sœur, ainsi que la famille royale, furent détenus à la Prison du Temple jusqu'à nouvel ordre.


Après les événements d'août et les Massacres de septembre 1792, Élisabeth fut minée par des nuits sans sommeil et se métamorphosa physiquement. En décembre 1792, un chirurgien du comte d’Artois qui la visita affirma qu'elle était devenue « méconnaissable ».


Malgré tout, Élisabeth continua à communiquer avec l'extérieur par l’intermédiaire de Mmes Thibault, Saint-Brice et de Jarjayes. Elle recevait également la visite du peintre Alexandre Kucharski, qui parvint jusqu'aux prisonnières et laissa des effigies d'elles.


Louis XVI fut condamné à mort par la Convention nationale et exécuté le 21 janvier 1793. En juillet de la même année, pour empêcher toute tentative d'évasion, le jeune « roi » Louis-Charles, 8 ans, fut séparé de sa mère, de sa tante et de sa sœur.


Le 1er août, la ci-devant reine Marie-Antoinette fut transférée à la Conciergerie en vue de son procès devant le Tribunal révolutionnaire, sur décret de Barère, rapporteur du Comité de salut public.


À l'automne 1793, Hébert demanda que Madame Élisabeth soit guillotinée, mais Robespierre s'y opposa le 21 novembre, affirmant que sa mort ne servirait pas la Révolution. Pendant plus d'un an, Élisabeth partagea sa cellule avec sa nièce de 15 ans, sur laquelle elle veilla après l’exécution de ses parents et la séparation de son frère, le petit "Louis XVII". À l'hiver 1794, on semblait les avoir oubliées.





L'exécution de Madame Élisabeth


Au départ, la Convention avait prévu d'expulser Élisabeth "Capet" de France, mais des documents cités en octobre 1793 lors de l'instruction du procès de Marie-Antoinette ont entraîné un décret de renvoi de la prisonnière devant le Tribunal révolutionnaire. Elle est condamnée à la peine de mort.


Durant le procès, l'accusateur public l'a traitée de "sœur d'un tyran". Élisabeth aurait répondu : "Si mon frère avait été ce que vous dites, vous ne seriez pas là où vous êtes, ni moi, là où je suis !"


Le 10 mai 1794, Élisabeth est conduite en charrette à la place de la Révolution, en dernier parmi un groupe de vingt-cinq personnes. C'est à ce moment qu'elle apprend de ses compagnons d'infortune le sort de Marie-Antoinette. Avant son exécution, elle réclame sans succès les secours d'un prêtre que Fouquier-Tinville refuse avec dérision.


Mais sur la charrette qui conduit les condamnés au supplice, elle aperçoit tout à coup, à la fenêtre d'une mansarde, un prêtre qui donne à distance et clandestinement l'absolution aux victimes. L'abbé trace le signe de la croix en prononçant les paroles sacramentelles.


Après qu'on eut procédé à sa "toilette funèbre", elle continue à réconforter ses compagnes et compagnons d'infortune. Un gardien nommé Geoffroy a relaté que tous, comme attirés par une force surnaturelle, venaient se grouper autour d'Élisabeth. À chacun, elle dit un mot, une phrase, qui vient du plus profond de son cœur.


Elle sauve la vie d'une de ses compagnes, Madame de Sérilly, en la convainquant de révéler un possible début de grossesse.


Au pied de l'échafaud, elle prie le De profundis (psaume 129) pendant que les autres condamnés sont tour à tour guillotinés.


Fouquier-Tinville avait désigné Élisabeth pour monter la dernière sur l'échafaud en raison de son rang élevé. Son fichu glissant de ses épaules, elle aurait ainsi demandé au bourreau : "Au nom de la pudeur (ou selon les versions : au nom de votre mère), couvrez-moi monsieur !"


Ainsi s'acheva la courte existence de la sœur de Louis XVI, restée solidaire de la famille royale à laquelle elle se dévoua corps et âme. Elle édifia tous ceux qui l'approchèrent dans ces moments décisifs, au point que Marie-Antoinette lui écrira le jour de son exécution (16 octobre 1793) : "Vous qui avez tout sacrifié pour être avec nous".


Son corps tronqué et dénudé est jeté dans une des fosses communes du cimetière des Errancis. Après la Révolution, la dépouille n'a pu être identifiée, malgré le témoignage d'un fossoyeur qui a localisé la fosse commune.


Béatification?


En 1953, le cardinal Maurice Feltin, archevêque de Paris, ouvre le procès diocésain en vue d'une possible béatification d'Elisabeth de France, désignée comme Servante de Dieu.


Cependant, il faudra attendre 2016 et l'intervention du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, pour que la cause de sa béatification soit réactivée. L'abbé Xavier Snoëk est nommé postulateur de la cause.


Malgré la piété et les actes de charité d'Elisabeth de France, ainsi que son abnégation envers la famille royale, son image est devenue méconnue, ce qui nuit à ses chances d'être invoquée pour provoquer le miracle nécessaire à sa béatification. En conséquence, en 2017, le cardinal Vingt-Trois décide la réouverture du procès diocésain, après avoir consulté la Conférence des évêques de France et obtenu l'accord de la Congrégation pour les causes des saints.


Conclusion


Madame Élisabeth, la fille de France méconnue, est une figure tragique de la Révolution française. Sa piété, son abnégation et son martyre méritent d'être mieux connus et reconnus. Bien que sa béatification ne soit pas encore officialisée, de nombreux mouvements en faveur de sa canonisation continuent de voir le jour.


La vie de Madame Élisabeth est un exemple de courage, de loyauté et de foi en Dieu, même dans les moments les plus difficiles. Son désintéressement et sa générosité envers les plus démunis, ainsi que sa solidarité envers sa famille, constituent un héritage inestimable.


À travers sa vie et sa mort, Madame Élisabeth a su incarner les valeurs d'une époque révolue.


 



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Photo de la Créatrice d'Escapades Historiques Ivy Cousin © Camy DUONG

Ivy cOUSIN

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